Installé dans le canapé du salon de la dernière résidence londonienne de son père, le petit Nolan âgé de 12 ans découvrait tout juste qu’il devait plier bagage pour s’installer dans un petit patelin répondant au doux nom de Rose Hip. Il avait appris bien assez tôt à ne jamais se permettre de remettre en cause les décisions de son paternel mais intérieurement il bouillonnait. Il commençait à peine à s’habituer au style de vie londonien que son père lui demandait une nouvelle fois de tout recommencer à zéro. Le souvenir d’avoir été arraché à sa terre d’accueil allemande était encore assez vif alors il avait une impression de déjà vu assez amer. La frustration n’était pas du même niveau mais elle se ressentait assez pour lui donner la migraine. Il se dirigea sans un mot vers sa chambre pour commencer à faire le tri dans ses affaires. Incapable de se concentrer, il se laissa tomber lourdement sur son lit et se remémora les deux dernières années écoulées. Elles avaient été marquées au fer rouge par le décès subite de sa mère. L’entente n’avait jamais été idéale, il lui avait beaucoup reproché d’avoir mis souvent son père dans des situations embarrassantes au point d’en devenir un fardeau. En effet Madame Adler était une adepte de la boisson et des tranquillisants en tout genre. Le mélange ne faisant évidement pas bon ménage, il lui arrivait régulièrement d’interrompre des réunions professionnelles par ses crises ou de se présenter à des dîners officiels dans un état d’ébriété avancé. Nolan comprit rapidement qu’aux yeux de son père elle représentait dorénavant un problème et comme il commençait déjà à voir le monde uniquement à travers le regard de son idole, elle était devenu un problème à ses yeux aussi. Il ne se rendra probablement jamais compte à quel point sa mère avait souffert de son éloignement. Ce qui venait s’ajouter à la longue liste des choses qu’ils ignoraient à propos de sa mère. Enfin malgré son apparent dédain pour sa génitrice, Nolan restait un enfant de 10 et un enfant de 10 ans avait besoin de sa mère. Le choc fut rude à encaisser mais son paternel s’assura de bien entourer son fils pour qu’il ne grandisse pas dans l’ombre de ce traumatisme et en profita pour utiliser cet tragédie comme une excellente raison de s’éloigner de Munich. A peine le temps de faire ses adieux que Nolan était dans un avion en direction de Londres. Arón Adler avait toujours fonctionné ainsi, il n’acceptait pas les refus. L’acclimatation à Londres s’était donc quelque peu faite dans la douleur jusqu’à ce qu’il croise le regard d’une jeune demoiselle de son école. A son âge on ne connaissait rien de l’amour mais il avait trouvé en cette petite fille un confort et une douceur qu’il n’avait jamais connu. Ils ne se parlaient pas beaucoup, ils n’avaient pas pour l’habitude de jouer ensemble mais ils pouvaient passer des heures assis côte à côté à observer leurs camarades s’amuser dans la cour de récréation. Ils se rendaient parfois à Green Park où il y passaient la journée à explorer le lieu comme si c’était une jungle amazonienne. Toujours en échangeant peu de mots. C’était un lien imperceptible à l’oeil nu qui les connectaient néanmoins profondément l’un à l’autre. Il ne voulait pas se l’avouer mais c’était la seule pensée de Londres qu’il voulait emporter avec lui. A ce jour, Nolan n’a absolument aucun souvenir de son séjour à Londres excepté chaque moment qu’il a passé avec son premier amour.


Installé à une table du restaurant gastronomique de Rose Hip, Nolan faisait mine d’examiner avec attention le menu du jour. En réalité il était plutôt occupé à observer discrètement une des serveuses qui s’affairait auprès de ses clients. Elle était mignonne, vraiment très mignonne. Le problème maintenant était de savoir s’il avait déjà couché avec elle ou pas. Disons que le lit de Nolan restait rarement vacant alors vous comprendrez qu’il n’est pas toujours aisé pour lui de s’y retrouver. Finalement la serveuse en question s’approcha de sa table pour lui demander ce qu’il désirait boire en attendant ses invités. Le sourire malicieux qui se dessina sur les lèvres de cette dernière lui indiqua qu’il avait déjà passé une nuit ou deux avec elle, son excitation retomba aussi tôt. Quel intérêt de chasser une proie déjà accrochée au mur ? En la regardant à peine il commanda donc un whisky sec et jeta un coup d’oeil à sa Rolex, il n’aimait pas trop qu’on le fasse attendre. Sans compter qu’il faisait particulièrement chaud aujourd’hui et qu’il avait déjà plus ou moins épuisé son quota de patience. En effet il avait passé la matinée à gérer le caprice d’un de ses joueurs qui refusait son transfert aux Etats-Unis et il n’était donc pas les meilleurs conditions pour recevoir la future nouvelle de son père

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« Nolan, est-ce que je peux te voir autour d’un déjeuner demain ? » La voix de son père était plus douce qu'à l’accoutumé mais le ton restait grave. « Bien sûr papa, tu as besoin de quelque chose en particulier ? » dit-il très intrigué
« Absolument pas, je voudrais simplement que tu rencontres enfin ma future épouse. Tu sais, Satine. » Nolan marqua une pose. « Attends depuis quand tu as besoin de ma bénédiction ? » dit-il dans un rire provocateur. « Je ne cherche pas à obtenir ta bénédiction mais je veux simplement m’assurer que ce mariage se présente sous les meilleurs auspices. Au vu de ma condition, ce sera probablement le dernier et je ne veux pas laisser de bazar derrière moi. » Son père raccrocha avant même que Nolan puisse lui répondre. Arón Adler avait toujours fonctionné comme ça, il n’acceptait pas les refus.
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Bouche bée. Il resta interdit pendant plusieurs minutes alors que celle qui allait prochainement devenir sa belle-mère lui faisait face. Elle devait avoir au moins dix ans de moi que lui, Dieu sait qu’il en avait vu défilé des madame Adler en herbe mais jamais comme celle-là. Nolan n’avait pas l’habitude de commenter ou de juger les actions de son père mais il ne pouvait nier que cette fois-ci il s’était surpassé. Comment avait-il réussi à faire tomber cette créature de rêve dans ses filets ? L’argent ne faisait peut-être pas le bonheur mais il y contribuait grandement. Le jeune homme s’installa en face des futurs mariés et avala le reste de son whisky cul sec. Son père avait un sourire satisfait tandis que la fameuse Satine entreprit de prendre la parole pour entamer le dialogue. Encore une claque. Depuis quand les filles de ce genre ne respectaient plus la règle du « sois belle et tais-toi » ?! La seule chose qu’on leur demandait c’était de contribuer à la santé économique du pays et rien d’autre. Elle était différente. Nolan qui avait toujours su plutôt bien cerner les gens avait rapidement compris qu’elle n’était pas de cet acabit là. Oh bien sûr elle ne cracherait jamais sur une gold mais elle avait une voix et elle semblait bien déterminer à la faire attendre. Le jeune homme ne répondait que vaguement à ses questions, bien trop perturbé pour pouvoir tenir une vraie conversation. Il était partagé. Partagé entre son désir de la foutre dehors et sa curiosité qu’elle avait si vivement piqué. Il sentait bien que rien ne serait plus jamais pareil une fois qu’elle aurait intégré sa famille et il mourrait d’envie de découvrir pourquoi.



« Assieds-toi fils. » Nolan se laissa tomber dans le fauteuil en soupirant lourdement. La journée avait été longue. Il revenait tout juste de Liverpool où il s’était rendu pour collecter l’argent qu’un tocard anglais devait à son père. Normalement il aurait envoyé un des hommes de main du clan des 7 mais il avait besoin d’évacuer un peu la pression et ce rendez-vous semblait être le moyen idéal de le faire. Tout s’était déroulé sans trop de heurts, du moins pour Nolan. « J’ai à te parler. » Il savait pertinemment autour de quoi allait tourner la conversation. Il n’avait pas osé l’avouer à qui que ce soit mais l’état de son paternel l’inquiétait vraiment. Les meilleurs médecins avaient été engagés, les traitements les plus avancés avaient été expérimentés mais s’il y a bien une chose qui ne peut être corrompue, c’est la bonne vieille faucheuse. Il avait beau être entré dans l’âge adulte depuis quelques années déjà, l’idée de devenir orphelin lui donnait le vertige. Cette sensation le ramenait directement au jour où on lui annonça que sa mère était décédé et que du haut de ses 10 ans, il devrait trouver un moyen de vivre avec. D’autant plus qu’il savait qu’une fois son père mort, il devra porter tout l’héritage Adler sur ses épaules. Il ne pourrait évidemment pas compter sur cette idiote de Satine pour le soutenir, il l’imaginait très bien plier bagage dès que son père aura rendu son dernier souffle. Alors bientôt il sera complètement seul aux commandes du navire. « Tu le sais aussi bien que moi, mon état ne s’améliore pas et une guérison est aujourd’hui inenvisageable. Je veux que tu commences à reprendre les rennes petit à petit. Il va de soi que je reste pour l’instant le référant principal mais j’ai besoin de toi sur le terrain. » Son cœur manqua un battement. C’était une chose d’en avoir conscience mais l’entendre le dire à voix haute ne rendait que tout ça bien trop réel. Il avait besoin d’une minute pour absorber toutes ces informations.  Nolan détourna le regard et observa le bureau de son père quelques instants. Il lui rappelait un peu son bureau de leur maison à Munich. Petit garçon, il adorait se rendre dans cet endroit qui lui paraissait si grand, si imposant et il s’asseyait sur les genoux de son père pour profiter simplement de sa présence. C’étaient de bons souvenirs mais qui appartenaient dorénavant au passé, il lui fallait maintenant regarder de l’avant. Il était prêt , il en était certain. « Merci pour cette opportunité papa. Je ne te décevrais pas. » Adler père lui adressa un sourire chaleureux comme il en avait rarement vu. Il devina une lueur d’apaisement dans le regard de son père, Nolan le soupçonnait d’être presque soulagé de baisser enfin le rideau. Il avait eu sa dose pour toute une vie. « Je ne vais pas t’embarrasser d’un discours patriarcal car j’ai confiance en toi et je sais que tu vas accomplir de grandes choses mon fils. Seulement n’oublie pas, ne te sépare jamais du clan des 7. Ces hommes sont à nos côtés depuis le début et ce sont les seules personnes, je dis bien les seules, à qui tu peux accorder ta confiance. » Le jeune homme acquiesça doucement.  Le clan des 7 était composé de 6 hommes ainsi que de Nolan, dont la mission était de faciliter la vie d’Arón Adler grâce à leurs compétences respectives. Il y en avait un pour contourner la loi, l’autre pour blanchir l’argent et d’autres encore pour les cas où il faudrait fracasser des crânes. Le grand patron avait toujours mis un point d’honneur à maintenir le nombre de membres à 7, chiffre biblique oblige. Nolan enlaça tendrement mais fermement son père puis quitta la pièce. Alors qu’il descendait les escaliers pour sortir de la maison, il aperçut au loin Satine entourée d’une partie du personnel de maison. A en croire leur agitation, ils semblaient en pleine organisation d’une réception mondaine. En voyant Satine commencer à s’approprier cette maison qui n’était pas réellement la sienne, Nolan repensa à ce que son père lui réclamait depuis quelques semaines. Ce dernier voulait absolument voir sa progéniture foulée à nouveau le sol de la maison familiale et il se faisait de plus en plus pressant. Au départ le jeune homme n’était pas vraiment emballé par l’idée mais il se rendait bien compte qu’il fallait quelqu’un pour garder un oeil sur Satine, elle commençait à devenir ingérable et il avait bien l’intention de la remettre dans le droit chemin.