Pourquoi avez-vous décidé de venir vivre à Rose Hip ? A vrai dire, je n'ai pas eu vraiment le choix, mais je me vois mal quitter cette ville un jour. J'ai l'impression d'y avoir bâti les bases de ma vie, et ça m'a pris 17 ans pour ces travaux, alors comprenez que les refaire ailleurs me semble être une perte de temps monumentale.
Que pensez-vous de la Rosehaie, en toute honnêteté ? Sans vouloir être impolie, je m'en moque. Ce n'est pas le genre de débats qui m'intéressent, personnellement. Tant qu'ils ne me dérangent pas, et qu'ils me permettent de temps à autres de faire des fêtes mémorables en les saupoudrant de quelques substances illicites, je ne vais pas les chasser. Bon, par contre, si jamais ils s'en prennent à ma maison, à ma famille (et je ne mentionne pas là ma belle mère et mes demi-soeurs, elles, je m'en moque), à mes amis ou à moi-même, la personne a l'origine de ça paiera, et grâce à mon père, je parviendrais à mes fins, quoiqu'il advienne. Puis, je ne comprends pas pourquoi tout le monde en parle, dans toutes les villes, c'est comme ça, ayant beaucoup voyagé, j'ai vu des paysages déconcertants: des bidonvilles se heurter aux plus grands hôtels du monde. Je ne vois pas pourquoi la demoiselle rose hip devrait déroger à cette règle.
Comment vous définiriez-vous ? Je vais essayer d'être la plus honnête possible. Je me sens seule. Je m'attache très peu. Avec le divorce, mon père qui rentre tard, ma belle-mère et ses filles. J'ai toujours peur qu'on m'abandonne, Internet dit que lorsque quelqu'un a déjà vécu une sorte d'abandon, il a tellement peur que la scène se réitère qu'il pousse les gens qui l'entourent à bout, voir si ils tiennent bon, ou parce qu'on pense ne pas mériter d'être aimé. Plusieurs hypothèses se bousculent sur la toile pour justifier mon comportement. Je sors, je fume, je bois, je me drogue. Bon, je dois vous avouer que ça reste encore minimaliste pour la plupart des jeunes, mais disons que pour une Winchester, c'est un truc de barge, un truc de malade. Mon père se tait, il fait semblant de rien voir, parce que bon c'est pas le truc de sa fille chérie pas vrai? C'est que des pyjamas party ou des soirées entre filles pas vrai? Je pourrais lui énumérer toutes les conneries que je fais, il la fermerait. De toute façon, on s'en fout non? Les seules fois où il agit contre moi c'est quand ma belle-mère le pousse: "mais regarde ta fille, elle rentre à pas d'heure, réagis". Alors il m'engueule, me laisse partir en claquant la porte, puis regrette, boit un verre, deux verres, pleure, s'en veut, puis tentation de réconfort de sa nouvelle femme, échec, il vient, s'excuse, implore mon pardon, câlin, réconciliation. Le même schéma, toujours le même schéma au grand malheur de sa barge de femme, qui continue de m'appeler "Persephone" parce que "c'est ce qu'il y a écrit sur ta carte d'identité, jeune fille". Bon après vous pourrez toujours me dire: "mais Heather, les amis, contrairement à la famille, on les choisit". Et des amis, au premier regard, on dirait que c'est pas ça qui me manque pas hein? Mon petit copain est le plus populaire du lycée, tout le monde me connait, je suis invitée à toutes les fêtes, je ne suis jamais seule. Je suis une fille dite populaire, vous savez, celle dans les films que tout le monde déteste et envie en même temps. Pourtant, je me sens seule, je m'attache pas trop. Mon copain? Il est cool, sympa, je me sens bien avec lui. Certes, ça fait probablement deux ans qu'on est ensemble, on ressemble à ce petit couple parfait, mais ça s'arrête là. Lui, je crois qu'il m'aime, enfin je ne sais pas. Les seuls moments où je me sens vraiment moi, c'est avec la musique, quand je fais du piano ou de la danse classique. Mon premier prof de piano m'a dit que j'étais faite pour la musique. Il m'arrive de toucher à d'autres instruments et je me débrouille d'ailleurs... Vous devez vous dire: "c'est quand qu'elle nous avoue que c'est une grosse pétasse et qu'elle arrête de faire sa victime?". Je vous explique, je suis quelqu'un de très offensif, c'est comme ça, si je vous déteste, peu importe les raisons, vous allez juste morfler, ma demi-soeur peut vous aider à mieux comprendre ce que je veux dire. C'est comme ça. Je peux très bien être la pire peste, comme une fille adorable. Je m'adapte, c'est comme ça. Comme le disait si bien Shakespeare: « Le monde entier est un théâtre, Et tous, hommes et femmes, n'en sont que les acteurs. Et notre vie durant nous jouons plusieurs rôles. ». Je dirais que tout ça c'est qu'une parade. Cette peste c'est qu'un rôle, mais à la fois, c'est aussi une partie de moi, c'est compliqué. J'ai besoin de me défouler sur autrui, un psychologue vous baratinerait que c'est normal, lorsqu'on a une sensation de solitude, on a besoin de se sentir exister, regarder, on veut attirer l'attention, mais c'est pas bien, il faut en parler.. avec des mots scientifiques pour nous rappeler que malgré tout, le fait d'être psychologue, ça reste un métier.

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