Amsterdam + 1988  - 2006  – la vie c'est comme une boite de chocolat on ne sait jamais sur quoi on va tomber.

Amsterdam. Il n’y avait sûrement pas ville meilleure pour se laisser combler par un besoin insatiable de liberté. Peu importait les idées reçues et les clichés allégrement entretenus par chaque habitant de la ville, c’était bien cette notion essentielle – quoique parfois beaucoup trop floue – qui alimentait la capitale. Que ce soit pour son architecture atypique, la beauté de ses canaux qui traversaient la ville sur son ensemble, la richesse de sa culture allant de Rembrandt à Anne Frank en passant par Van Gogh ou le quartier rouge et la détention légale de stupéfiants, tout le monde semblait y trouver son compte. Tout le monde, sauf peut-être Marieke Van Houten, une des femmes les plus importantes du pays et de l’Europe pour son rôle déterminant en politique, et principalement connue pour son caractère de femme éternellement insatisfaite. Personne ne la blâmait vraiment, les années 1990 demandaient de nouvelles initiatives, beaucoup de changement et une détermination infaillible. Rapidement, cette femme sortie de nulle part avait finalement osé avancer des idées encore inédites qui se résumaient simplement en : « adieu l’image exclusive des moulins, des tulipes et fromages, bonjour construction économique européenne et avancée diplomatique». Personne, ô grand personne aux Pays-Bas, n’ignorait le parcours de cette femme absolument brillante qui avait réussi à développer le pays comme personne ne l’avait fait jusqu’alors. Bien évidemment, un tel génie politique avait un coût et Marieke avait dû faire des sacrifices, sacrifices qui s’étaient directement reflétés sur sa vie familiale. Comme toute fille de bonne famille qui se respectait, Marieke avait fait un mariage parfait, un couple aussi politique que charismatique destiné à inspirer ses concitoyens néerlandais. De cette union à la limite de l’arrangée étaient nées Lennon et Lisbeth, des jumelles absolument parfaites pour entretenir l’image politique de la matriarche. En définitive, tout avait été construit pour que la mère des jumelles soit toujours au-devant de la scène dans les sondages, il ne fallait pas s’appeler Merlin pour le deviner. Et contrairement aux qualités tant attribuées à la capitale néerlandaise, Lisbeth et Lennon n’avaient pas le droit à une once de liberté, chacun de leur geste étant en permanence surveillé avec soin par des employés de la famille Van Houten. Cette surveillance était telle que, mis à part leur âge, on aurait facilement pu les prendre pour des prisonnières en liberté conditionnelle qui nécessitaient une surveillance constante au risque de les voir commettre des infractions ! Enfin du moins, c’était ce qui se passait officieusement puisque dès que ça arrangeait leurs parents, les deux jumelles devaient jouer aux petites filles modèles parfaitement épanouies avec leurs parents dans l’unique but de soigner l’image publique de la grande politicienne Marieke Van Houten et celle de Paul Van Houten, écrivain, musicologue et historien du cinéma et surtout hériter à plein temps. En d’autres termes, les jumelles n’avaient pas le droit au moindre faux pas au risque de se faire pénaliser directement. Il n’y avait pas que du mauvais après… Au moins elles bénéficiaient d’une immense culture et baignaient dans l’opulence…et le chocolat.

My Mad Lisbeth Diaries :

« Jusqu’à l’âge de cinq ans je n’avais juste aucune idée de qui étaient mes parents. Bien évidemment, lorsque la question m’était posée, je répondais ce qu’il fallait et je pouvais mettre un visage sur les noms de « papa » et « maman », mais je n’avais tout simplement j’avais eu le souvenir d’avoir passé un quelconque moment agréable en leur compagnie. Toute mon enfance, je l’ai passé avec Lennon. Au final, nous nous sommes éduquées toutes seules toutes les deux. Ce n’était pas vraiment de la faute de nos parents d’après notre gouvernante. « Ils travaillent dur pour que vous ayez tous ces jouets », « ils pensent souvent à vous », « ils sont occupés, il ne faut pas les déranger » étaient un peu près les seules paroles dont j’avais le droit j’avais le malheur de poser une question les concernant. Les choses ont commencé à évolué à mon sixième anniversaire, date qui correspondait plus ou moins à l’entrée en fonction de ma mère au service du gouvernement néerlandais. Je crois que je n’ai jamais connu autant d’attention de leur part qu’à partir de ce moment-là d’ailleurs, c’était assez déstabilisant si vous voulez mon avis. Mais bien sûr, en tant qu’enfant en besoin affectif de la part de ses géniteurs, ce changement ne m’a absolument pas dérangé, au contraire. Je n’ai jamais été aussi proche d’eux – il ne faut pas non plus se leurrer, ils restaient souvent absents – qu’entre mon sixième et dixième anniversaire. Sauf que le problème, c’est qu’ils voulaient toujours quelque chose de moi… Et donc résultat, ça n’a pas tellement perduré lorsque je les ai envoyés sur les roses pendant mon adolescence. »

2005 – I’m insane, they said.

Dix-sept ans, l’âge d’une insouciante maturité qui commençait à marquer directement un tournant dans une vie jusque-là encore bien trop adolescente. Lisbeth n’avait jamais vécu comme ses pairs, elle n’avait jamais eu l’impression d’être une adolescente et encore moins d’évoluer dans le même monde que ses compatriotes. Ils pouvaient tous dire ce qu’ils voulaient, c’était une fille à part, et ça elle le savait depuis toujours. Hautaine ? Point du tout, elle était au contraire parfaitement lucide. N’était pas une héritière et fille de ministre qui voulait, voilà tout. Grâce à l’éducation qu’elle avait reçue, la brune avait toujours eu une longueur d’avance. Elle avait appris à lire, écrire et compter à cinq ans, elle parlait quatre langues couramment à huit ans, avait lu Les Misérables à dix ans, et s’était penchée sur le théorème de Fermat à seize ans pour ensuite intégrer Oxford à dix-sept ans. Cette petite avait un avenir fou tout droit tracé devant elle, et ce qui faisait d’autant plus sa force, c’était qu’elle en avait pleinement conscience et qu’elle comptait bien défier l’excellence avec arrogance. Et la jeune néerlandaise ne comptait pas s’arrêter-là, ce n’était pas bien la connaitre que de penser le contraire. L’attitude hypocrite de ses géniteurs à son égard avait eu le don de développer en elle une sorte de double personnalité que seule Lennon connaissait par cœur. D’un côté, il y avait la parfaite Lisbeth de ses parents, brillante et charmante, et de l’autre côté, la peste au cœur de glace qui manipulait tout le monde du bout du nez dès qu’elle en avait l’occasion pour arriver à ses fins sans aucun problème. Lisbeth savait parfaitement ce qu’elle faisait et elle comptait bien continuer encore bien loin. Ce n’était donc sans aucune surprise que la demoiselle avait rejoint Oxford, l’une des meilleures universités au monde. Oh bien évidemment, elle aurait pu postuler pour l’une des universités de l’Ivy League aux Etats-Unis, mais l’Angleterre était largement plus proche et lui apportait autant… Que voulez-vous, ayant des origines anglaises, c’était tout simplement une occasion parfaite pour renouer avec et s’imposer au milieu des British, d’autant plus que Rose Hip commençait déjà à lui faire de l’œil à cet âge. Au moins, une chose était sûre avec Lisbeth, elle avait le mérite d’être atypique. Tous ceux qui ont osé dire le contraire se sont retrouvés avec de sévères brûlures ou la moitié de leur maison ravagée par le feu.

My Mad Lisbeth Diaries :
«Je vous vois déjà en train de me regarder d’un sale œil, tous autant que vous êtes. Pourtant je ne vois absolument pas le problème, je suis juste une fille ambitieuse comme il en existe un peu partout. Je suis sûrement plus brillante qu’elles. Allez, on ne va pas se mentir, tout le monde le sait. J’ai toujours eu le chic pour avoir les faveurs de tout le monde ou pour assouvir toutes mes pulsions de domination sur les autres. Qu’on ne se la cache pas, la vie est un jeu de pouvoir et comme dirait l’autre : in the game of thrones, you win or you die. Je veux juste m’assurer d’accéder au trône sans me prendre de mauvais coût. Quoi ? Comment ça je suis folle ? Je suis juste réaliste, arrêtez de me contredire. Il n’y a que le pouvoir qui compte finalement. Demandez donc à nos amis de la Rosehaie, ils ne vous contrediront pas… Comment expliquer leur misère sinon ? Ils n’ont tout simplement aucun pouvoir, voilà tout. La richesse vient seulement au second plan si vous voulez mon avis. Enfin tout ça pour dire quoi déjà ? Ah oui, que je suis brillante. Et je vous vois venir avec votre accusation de pyromanie contre moi… Présomption d’innocence, article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Pas de preuves, pas d’accusation possible. Quel dommage. Tout ce que je peux vous dire serait donc de ne pas jouer avec le feu avec moi car je suis le feu et comme nous le savons tous, il peut se propager rapidement. Et non, ce n’est absolument pas une preuve. »




London + 2006 - 2012 – “No second chances in the land of a thousand dances, the valley of ten million insanities.”

Londres. La capitale anglaise lui avait apporté tellement en six ans. Loin du regard réprobateur de ses parents, Lisbeth avait déployé sa seconde nature en prenant bien soin de laisser la petite fille modèle au placard. Chez les Anglais, elle devenait une parfaite inconnue avec un nom de famille qui ne venait rappeler que le chocolat sans pour autant faire de lien direct avec elle. A Londres, elle pouvait faire ce qu’elle voulait et surtout elle pouvait faire de Londres ce  qu’elle voulait. La jeune fille au cœur de glace pourtant habitée par un feu sacré existait pleinement. Sans vraiment s’étaler sur cette période de sa vie, on pouvait tout simplement dire que Lisbeth avait fait des études de journaliste à Oxford, études qui s’étaient avérées aussi brillantes que les précédentes. Mais surtout, la demoiselle avait commencé à faire ses propres recherches sur Rose Hip, cette ville d’apparence totalement paumée dans laquelle ses parents avaient investi des années auparavant et qui pourtant faisait parler d’elle davantage d’année en année. Le restant de ces six années importaient peu ou disons n’était qu’une banalité barbante à ses yeux. Elle menait sa vie, arpentait les rues londoniennes, traînaient avec les quelques rares esprits qu’elle pouvait tolérer. Rien qui venait casser trois pattes à un canard en somme. Pourtant, elle savait bien qu’elle devait faire désormais quelque chose de sa vie si elle voulait conserver cette liberté qu’elle s’était donnée tant de mal à obtenir. En d’autres termes, elle devait se trouver un métier convenable pour pas que ses parents rappliquent derrière en lui forçant la main sur ce qu’elle devait faire ou ne pas faire. Et lorsque l’on s’appelle Van Houten, autant dire que les contacts sont plutôt faciles à dégoter.

My Mad Lisbeth Diaries :

« Cette période est sûrement la plus lisse de mon existence. En vrai, je n’ai fait que mes études, un peu de mannequinat à droite à gauche derrière l’objectif occasionnel de Lennon. Je voulais surtout profiter de la vie sans avoir le fardeau des Van Houten en épée de Damoclès au-dessus de ma tête. Et j’ai plutôt bien réussi. Ma seule hantise était de me trouver un métier « bouche-trou ». Et tout ce que j’ai trouvé à faire fut de suivre Lennon à Paris pour rejoindre les rangs de Chanel. Que voulez-vous, la femme de mon oncle – enfin ma tante par alliance en gros – n’est d’autre que le second de Lagerfeld… J’ai juste eu de la chance, il cherchait une attachée de presse à ce moment précis. Il faut dire que mon brève carrière de mannequinat a pu également les intéresser, j’étais juste une parfaite égérie Chanel version intellectuelle s’il vous plait, Lagerfeld vous le dira lui-même. »  

Paris + 2012 – 2014 – the city of love
Paris, l’endroit idéal pour les amoureux d’histoire, d’arts et de littérature. L’image fait rêver tant elle relève d’une poésie idyllique sortant tout droit des recueils des plus grands poètes. Notre-Dame et son quartier latin, les Grands Boulevards du XIXème siècle construit par ce cher Georges Eugène Haussmann, les Champs-Elysées et son arc de Triomphe, la Tour Eiffel, le pont des artistes, Montmartre, les Tuileries, le Palais du Louvre, le jardin du Luxembourg… Des lieux d’une beauté architecturale et d’une poésie inégalable destinée à faire chavirer le cœur des plus sensibles. Au diable les barricades, les catacombes et le passé sombre d’une ville dévorée par la famine et le choléra, aujourd’hui la ville n’était plus qu’un petit bijou pour ceux qui savaient bien la regarder et l’apprécier à sa juste valeur. Les touristes avaient une excellente raison de faire de Paris leur ville fétiche, personne ne pouvait arguer sur le sujet, non. La beauté de la ville était contagieuse, seuls les parisiens de pure souche semblaient insensibles aux effets de cette ville que beaucoup qualifiait de magique. Magique. Tel était l’adjectif que Lisbeth avait employé à son arrivée dans la capitale française alors que Dieu lui-même savait qu’elle n’était pas du genre à s’extasier facilement. En dehors de la beauté de la ville, la brune avait surtout espéré que la magie pourrait opérer en sa faveur en l’aidant à correctement avancer dans sa carrière. Certes, partir à Paris ne l’avançait pas vraiment sur tout ce qui se rapprochait à sa carrière journalistique et à son attirance pour Rose Hip, mais pour elle ce n’était plus qu’une question de temps. Le moment viendra, tout vient à point à ceux qui savent attendre, n’est-ce pas ? Du moins Lisbeth y croyait dur comme fer et elle ne regrettait nullement sa décision de s’installer à Paris avec Lennon. En même temps… Qui pouvait sincèrement regretter de faire partie de la maison de mode la plus emblématique de Paris ? Alors certes, elle n’y faisait absolument rien niveau couture et création, mais elle aidait à maintenir le prestige de la marque en tant que leur attachée de presse. Oui, c’était grâce à elle que tous les articles sur la maison pouvaient voir le jour ou que les journalistes pouvaient faire leur entrée dans les défilés lors des fashion weeks. Ce n’était donc pas le métier les plus prestigieux qui soit, mais il fallait dire que ça lui convenait parfaitement et qu’elle avait son lot de consolation avec tous les avantages que ça lui apportait derrière. En résumé, Paris était absolument parfait et elle se délectait avec joie de chaque seconde passée dans cette ville qu’elle avait qualifié elle-même de magique. Le seul point noir dans tout cela fut sûrement l’annonce de ses fiançailles par ses parents. Comme quoi, elle n’était pas aussi brillante qu’elle le pensait pour ne pas l’avoir vu venir. Comment aurait-elle pu en même temps.

My Mad Lisbeth Diaries :

« Je n’en voulais pas moi de tout ça, j’étais bien comme j’étais. Paris était parfait, ma vie était parfaite. J’avais le contrôle sur tout et j’avais même réussi à trouver un peu de réconfort auprès d’un pseudo petit-ami. Finalement mes parents avaient trouvé le bon moyen pour me faire fuir et à me gâcher le peu de liberté que je m’étais trouvée en m’imposant le mariage avec lui. Vous allez encore me dire que je ne tourne pas très rond hein, pourquoi partir si j’étais bien avec lui, après tout ce n’était qu’un mariage. Mais justement, à mes yeux ce n’était pas qu’une simple promesse et compagnie, c’était le moyen pour eux de me montrer qu’ils avaient encore la main sur moi, qu’ils avaient de l’emprise. Dommage pour eux, ma règle numéro une : personne ne me force la main. Surtout qu’en dehors de ce principe évident, je n’étais pas prête à m’engager dans une relation normale avec lui, nous avions notre propre rythme de vie et le mariage aurait été tout simplement notre perte. Au final, je pense que fuir était finalement que la seule solution qui se posait à moi. Quitter Paris et convaincre Chanel de me garder dans leurs rangs en déménageant en Angleterre n’a par contre pas été une mince affaire… J’ai dû faire des pieds et des mains, faire des menaces juridiques – merci Lennon – et ils ont fini par me laisser gagner. Finalement tout s’est retourné contre mes parents puisque aujourd’hui, je suis enfin à Rose Hip.»

Rose Hip + 2014 - haven't you heard? I'm the crazy bitch here.

My Mad Lisbeth Diaries :
« Je ne suis là que depuis deux mois maintenant mais je me suis jamais autant félicitée d’avoir emménagé quelque part. Je veux dire, Rose Hip représentait tout de même que le seul endroit où je me suis sentie le mieux avec ma sœur lorsque nous y étions avec nos parents. La vie là-bas est totalement différente de ce que j’ai connu jusqu’alors et c’était tout ce dont j’avais besoin. Je peux enfin mener mon enquête et faire proliférer mon trafic… Surtout que Lennon m’aide aussi pas mal et rien de mieux que d’avoir une juriste avec soit pour faire du business illégal, disons que ça apporte la meilleure des sécurités. Comment ça ce n’est pas moral ? Qui a dit que je voulais que ça le soit ? »