Pourquoi avez-vous décidé de venir vivre à Rose Hip ? Ma grand-mère, dans son testament, m’a légué sa maison et tout ce qu’elle contenait – y compris ses deux Khao Manee, deux chattes sœurs d’environ six ans répondant aux noms de Lady Miaw-Miaw et Miss Long Whiskers, qui n’acceptent que de l’Earl Grey pour s’abreuver et du poisson cuisiné au citron pour se rassasier. Cela fait trois ans que je vis là, ayant préféré conserver le manoir de mon ancêtre plutôt que de la revendre. La conjoncture n’était pas bonne, le marché immobilier instable et peu attrayant… de plus, le quartier Petal dans lequel cette jolie demeure est implantée est bien plus plaisant que celui où j’étais avant. J’étais, avant d’arriver ici, l’heureux loueur d’un appartement en banlieue londonienne, au loyer excessif et à l’électricité défaillante. Certainement que ma grand-mère était au courant de ma situation et a décidé de faire un geste généreux envers moi. Pourtant, jusqu’à sa mort, elle ne m’avait jamais témoigné plus d’attention qu’à un autre de ses petits-enfants. A présent, on siffle dans mon dos que j’ai toujours été son favori, que son testament n’aurait jamais dû être pris en compte car elle n’avait plus toute sa tête, que je ne suis qu’un égoïste pour avoir refusé de vendre le manoir et partagé l’argent de la liquidation des biens de mon aïeule avec le reste de la famille… qu’ils me réprouvent tant qu’ils veulent, je n’ai aucune compassion pour ceux qui n’en ont jamais eue pour moi.
Que pensez-vous de la Rosehaie, en toute honnêteté ? Cela fait plus de vingt ans que la Rosehaie est là, il serait peut-être temps d’accepter cet endroit à Rose Hip, non ? Je n’ai aucun problème avec ce lieu, il a toujours fait partie du paysage de ce quartier pour moi. De plus, cet endroit sert très bien les quartiers riches l’entourant ! D’où vient le personnel de maison, ou les pauvres âmes qui viennent aider les commerces de proximité à survivre ? Certes, qui brûle aussi les voitures les soirs de match et qui reste tard dans les rues… Mais cela a du bon pour les habitants des coins riches de ce quartier, il faut qu’ils cessent de s’enfermer dans leur cage dorée. Le monde n’est pas tout rose, il existe des inégalités et plutôt de s’en détourner, il faut s’y confronter pour mieux lutter contre. Je veux que tous ces enfants de patrons, médecins, avocats, voient ces enfants d’ouvriers, maçons, chômeurs. Qu’ils en tirent tous des leçons, bonnes ou mauvaises. Et plutôt que d’être égoïstes, offrons un peu de la beauté de ce quartier à ceux dont la vie n’est que laideur. Je suis du genre à ne regarder dans l’assiette de mon voisin que pour voir s’il en a assez et non pas s’il en a plus que moi, en effet – j’ai un cœur bon mais des artères rigides, faites attention à cela. Je n’hésite pas à dénoncer les travers de chacun.
Comment vous définiriez-vous ? Je suis avenant tout en étant asocial… je m’intéresse à autrui, j’aime conseiller et même, aider. Néanmoins, ma façon de faire est, paraît-il, déplaisante. J’oublie souvent la politesse et ne tourne pas autour du pot, quand quelque chose me tracasse je le dit haut et fort. Qu’importe à qui je m’adresse, je n’y vais pas par quatre chemins. J’ai la mauvaise habitude de m’incruster dans les discussions des autres, aussi. Dans les lignes d’attente, je mêle mes mots à ceux des inconnus qui se trouvent devant ou derrière moi. Je vais vaillamment vers ceux dont le comportement me semble mauvais, dans les lieux publics alors qu’une autre personne aurait tout simplement passé son chemin. Je suis quelque peu brutal, pour ne pas arranger les choses. Je crie quand j’interpelle, je n’hésite pas à me servir de mes mains… agripper, tirer, pincer, frapper. Le quartier entier me connaît pour ma soi-disante mauvaise humeur alors que je ne cherche qu’à rendre service. Ce n’est pas en laissant un adolescent dans les rues après minuit qu’on va lui permettre de bien grandir, il faut quelqu’un pour lui demander ce qu’il fait là ! Je cherche toujours à comprendre, en effet. Je ne considère pas qu’un acte peut être entièrement gratuit, il y a toujours une raison. Si j’agis ainsi, par exemple, c’est que j’ai toujours été laissé seul. J’ai douze ans d’écart avec la plus jeune de mes sœurs et je n’étais pas prévu par mes parents. J’ai donc toujours été là sans vraiment être accepté. J’étais logé, nourri et blanchi mais je n’ai jamais eu d’activités extra-scolaires ou de cadeaux très personnels ni de moments forts avec mes proches. Je ne recevais de cadeaux que de mes parents, pour mon anniversaire – le minimum. Le reste était complètement désintéressé de ma personne et je m’en portais très bien… à quinze ans j’ai découvert Internet et j’ai trouvé là tout ce qu’il me manquait. Je suis quelqu’un de plutôt renfermé, malgré mon apparence avenante et ma facilité à aborder autrui. Je n’aime pas inviter des gens chez moi ni aller à des fêtes. Je préfère rester seul, faire des expériences dans les murs de ma demeure avec seulement Lady Miaw-Miaw et Miss Long Whiskers pour me juger. Vous savez, je suis membre du furry fandom… à bientôt trente ans, oui. Je joue à WoW depuis 2004, je fais des gâteaux en forme de dragons et fées… ma maison est remplie d’attrapes rêves. Rien qui ne soit jugé comme sain et normal, dans ce monde.