La première maison que t'as connu se trouvait à la Rosehaie, ce quartier pourri. Pourtant vous n'étiez pas malheureux, tes parents et toi. Ils étaient complètement gaga. Enfin, ta mère l'était en tout cas. Ton père, lui, a toujours voulu une petite fille. Alors il a engrossé une deuxième fois ta mère. Un garçon. Quand pour la troisième fois un autre garçon était sorti du four magique de ta mère, ton père a perdu espoir. Il s'est fait une raison. Ta mère ne lui donnera jamais de fille. Et il s'est barré. Comme ça. T'avais douze ans et tu te souviens de ton père comme si tu l'avais vu hier. T'as plus jamais eu de nouvelles de lui, rien. Pas même une pension alimentaire. Avec trois gosses à charge, ta mère a galéré. T'es vite devenu l'homme de la famille, le baby-sitter. En grandissant, t'as compris que tu pouvais pas perdre ton temps au lycée et t'as commencé à travailler. Jamais rien de bien glorieux. Et alors? La gloire, c'est à la maison que tu l'as, quand tout le monde a mangé trois repas avant de se coucher.



Au début, c'était juste un joint comme ça. Pour te décontracter le soir. Sans vraiment t'en rendre compte, t'es passé à quelque de plus agressif. T'es défoncé du matin au soir, ça t'aide pas à faire des économies. Tu crames tout, ta mère commence à se poser des questions. Tes frères aussi. Et puis un jour, t'es pris sur le fait. Le cadet cafte tout, c'est la crise chez toi. Ta mère pleure, hurle. Tu restes là comme un piquet, tu sais même pas quoi faire. Elle veut que tu partes en cure de désintoxication, c'est là que tu commences à t'énerver. Hors de question. Jamais. T'es pas un camé, toi, tu peux t'arrêter quand tu veux. C'est ce que tu dis en tout cas. Sauf que c'est n'importe quoi. T'aurais du aller en cure comme elle le voulait. Mais t'es parti tout court. Ton propre appart, ta propre vie. Enfin. Tu fais croire que t'es heureux comme ça mais ils te manquent. Tu suis des fois tes frères jusqu'au bahut, juste pour être sûr que tout va bien. Tu leur parles pas, tu leur parleras peut-être plus jamais. T'es trop fier pour admettre que t'as déconné, que tu supportes pas d'être loin d'eux.  

A force, t'as fini par t'enfoncer dans tes conneries. Toujours plus de débauche. Tu mets dans ton lit la première imbécile qui veut bien y rentrer. Tu te moques qu'elle soit belle ou laide, mince ou grosse. Tu veux juste une paire de cuisses. Comme ça on peut pas dire que tu sois quelqu'un de très exigeant. Tu laisses la vie couler, tu cherches seulement à t'amuser. On dit que t'es un gamin, on dit que t'es irresponsable. Et t'as aucun mal à l'admettre. C'est comme ça que t'aimes ta vie. Un jour, ça finira par te rattraper. Tu le sais bien. Tu sais juste pas comment ça va finir exactement. T'espères pouvoir limiter la casse à ce moment-là, c'est pas comme si t'étais prêt à crever dans un caniveau d'une overdose.