Mr & Mrs Carter avait tellement essayé, tellement voulu un enfant. Cette enfant ne venait tout simplement pas et ils s‘y étaient fait. Mrs réclamait le luxe, les diamants peuvent tout compenser à ce qu’on dit, et Mr, lui, multipliait les aventures. Il aimait passionnément sa femme à ce que l’on dit, mais le nombre de sautoirs à ouvrir était trop important pour qu’il ne se donne la peine de tenter quoi que ce soit avec Mrs.
Les Carter s’étaient donc résignés et habitué à leur famille composée de deux. C’est alors que sans crier garde, après une nuit de devoir conjugale bien rempli, Mrs se trouva prise de nausées. Elle pensa à tout : trop de champagne, robe de couturier trop serrée et même bonne mal intentionnée. Mais la conclusion du médecin fût aussi surprenante que sans appel et quelques mois plus tard Mlle Fleur Ellana Carter vint au Monde. Il faisait orageux cette nuit là, certainement un présage sur quel genre de jeune femme la Nouvelle Orléans allait hériter.

On ne peut pas dire que Fleur eut une enfance malheureuse mais tout se déroulait dans le contraste. Contraste entre la chaleur de la Louisiane et la froideur de ses parents et de son éducation. La jeune fille était bien sous toutes les coutures mais ces dites coutures ne demandaient qu’à craquer.
Une seule personne autour d’elle pouvait voir la rage qui bouillonnait sous sa peau de marbre, la bonne de la famille, Amara. Depuis sa plus tendre enfance, la petite fille blonde, perdue seule dans cette grande maison, était fascinée par les gri-gris et les incantations mystérieuses de la vieille femme de couleur. Alors qu’elle allait sur ses 16 ans, la petite fille était devenue une vraie jeune femme, pleine d’élégance et de mépris. Fleur se rendait compte que ses parents n’avaient jamais voulu d’elle, que sa mère ne la considérait que comme un autre de ses joyaux dans des boîtes à bijoux.


Il se faisait tard ce soir là, et la vieille Amara allait bientôt quitter le domaine Carter pour retourner chez elle. Fleur enfila discrètement un impaire, le temps était orageux cette nuit, et attendit à l’arrière de la maison. Lorsqu’elle vit la silhouette ronde de la femme elle la suivit. Ca faisait tellement d’années que la jeune fille tentait de tirer les vers du nez à cette vieille sorcière : qu’était-elle et que faisait-elle avec tous ces objets étranges ? Suivre Amara ne fut pas très compliqué, on aurait presque dit qu’elle se laissait faire. Alors que la pluie tombait violemment, les yeux bleus océans de la jeune fille distinguèrent de petites lumières au bout d’un chemin boueux, elle s’avança et sentit ses escarpins s’enfoncer dans le sol incertain. Arrivée devant une sorte de petit cottage blanc près d’un lac, elle se mit à hésiter, son cœur battait à tout rompre mais finalement, sans trop réfléchir, elle toqua.

La porte s’ouvrit doucement, seule. Elle s’ouvrit sur une scène étrange, la vieille femme était là, assise dans un vieux fauteuil d’osier comme si de rien n’était.
Son visage n’affichait pas la même expression que d’habitude : elle semblait, amusée, confiante mais on ressentait que la situation était grave ou tout du moins sérieuse.

«  Ca fait un moment déjà que je t’attend. Je pensais que tu m’aurais trouvée des années plus tôt.  »

La jeune fille la regarda intriguée et tout commença à aller très vite.  Elle découvrit le vaudou, apprit à en maîtriser chaque complexité, s’en servit pour obtenir tout ce qu’elle désirait. Mais Amara ne faisait que nourrir sa haine pour ses parents et bientôt la jeune fille les détesta du plus profond de son être. Mr Carter eut une crise cardiaque inexpliquée et Mrs fût volée de tous ses précieux bijoux et bibelots. Mais après une violente dispute avec leur fille, ils disparurent.
Quelques jours plus tard leur voiture fut retrouvée au fond des marais dans le Bayou. Leur pauvre enfant, éplorée, se retrouva en possession d’un immense héritage, convoité de tous. On ne voyait plus que rarement la jeune femme en ville et lorsqu’elle apparaissait, les gens parlaient, regardaient, murmuraient. Des rumeurs, des ragots. Mademoiselle Carter, une jeune femme blonde plantureuse toujours vêtue de noir et ses yeux toujours parés de lunettes d’un noir jais, portait plusieurs noms en ville. Sorcière et meurtrière était les plus courant mais on craignait trop la puissance d’une jeune héritière orpheline et méprisante pour lui dire en face.

Bientôt Fleur fit son apparition chaque soir dans un jazz club du quartier français pour un verre ou deux de whisky. Elle repartait plus ou moins tôt, ça dépendait  de la vitesse à laquelle un homme succombait à ses charmes : des paroles aussi sulfureuses que son regard, ça en attirait plus d’un.

Mais quelques mois après la mort de ses parents, la jeune femme dû faire face à une véritable perte, le décès d’Amara. La seule femme l’ayant véritablement élevée. Très vite on vit la grande demeure des Carter se vider et être mise en vente et on ne revit plus jamais la mystérieuse jeune femme prendre son verre de whisky dans le quartier français.

C’est à Rose Hip que Fleur décida de poser ses valises et son compte en banque. La jeune femme voulait recommencer ailleurs, là où personne ne la connaissait et où son nom n’était pas sur toutes les lèvres, ou du moins pas encore.