A savoir avant d’en connaître un peu plus sur les détails de ma vie…

Eloïse Blondel, 30 ans, pianiste.

« J’ignore si on vous a déjà parlé de Nate. Une chose est sure, c’est que quoi qu’on vous ait dit, vous ne penserez jamais la même chose. Personne ne voit mon frère de la même façon que je le vois. Et pourtant, je vais tenter de vous le décrire comme je le peux.

Natanael est du genre à ne pas se laisser faire. Il déteste qu’on lui dicte les choses et qu’elles ne lui paraissent pas justes. Lorsqu’on le cherche, on le trouve. Et d’ailleurs, on le trouve même quand on ne cherche pas. Il a le don de se trouver là où on ne l’attendait pas. Cela peut-être une qualité, comme un défaut. Mais pour cela, il faudra d’abord vous faire votre propre avis sur lui. S’il a envie de vous laisser tranquille, il le fera. Mais si par malheur votre tête lui inspire des choses, le mieux est de se ranger de son côté, et de ne pas tenter de lui chercher des noises. Parce qu’en fait, Nate a toujours le dernier mot. Il n’aime pas qu’on le contredise, et encore moins qu’on rentre dans son petit jeu. Pour lui, gagner, c’est faire sortir le lion de sa cage. Entre autre, il s’amusera vite à vous chercher la petite bête pour vous mettre en colère.

D’ailleurs, vous remarquerez vite, quelle que soit votre position sur lui, que son sarcasme en fait son trait de caractère le plus marqué. A la fois indécis et décidé, Nate arrivera à vous démontrer quelque chose pour vous prouver le contraire plus tard, sans que vous vous en rendiez compte. Combien de fois l’ai-je vu prendre la tête d’un allemand de cette façon ? Et jamais il n’a eu de représailles ! Avec son humour un peu décalé, il a un peu de mal à se faire comprendre. Mais dans la famille, nous savons tous que c’est naturel. Alors nous ne tentons pas d’aller dans un sens opposé au sien, et nous nous contentons de trouver des arrangements. Je vous conseille d’ailleurs ce chemin.

Malgré sa grande maturité dans l’âme, Natanael n’en reste pas moins enfantin dans son comportement. Cela fait partir de son sarcasme, qu’il entretient au quotidien. Mais pas seulement.

Son côté lunatique fait de lui un personnage plein de mystère, ce qui ne lui retire pas tout son charme. Beaucoup de mes amis ont déjà dit qu’il en est rempli. Le charme est présent dans chaque centimètre carré de son corps.
Têtu, il est capable de tout pour arriver à ses fins. Mais tant que cela reste dans son avantage. Il n’est pas du genre à se surmener pour quelque chose qui ne lui tient pas un minimum à cœur. D’ailleurs, je me demande si ce n’est pas pour cette raison qu’il n’a toujours pas de femme… Disons… Fixe ?

Sortir le soir, ça lui plait, mais pas autant que rester des heures à lire un bon livre et le raconter en détails à un ami de confiance. Je me suis toujours demandé comment il pouvait retenir autant d’informations dans une lecture aussi furtive que la sienne. Alors que je joue du piano, que notre mère hurle dans la maison pour que Marie entende ce qu’elle dit, il est capable de lire dans sa bulle, sans être dérangé. C’est que quand il se concentre, Nate est très efficace, même si cela reste assez… Peu souvent.

Nate est un manipulateur. Il arrive toujours, grâce à son charme, et sa prestance apprise d’André, à faire des autres ce qu’il a envie. Cela peut aller à leur avantage comme à leur inconvénient. Cependant, il ne le fait jamais pour son propre intérêt, mais plutôt pour le plaisir de gagner. Il déteste perdre, et encore plus quand il n’a pas le contrôle de la situation. Cela fait de lui un homme courageux et ambitieux, qui fait rêver beaucoup de femmes.
Mais au fond, je sais qu’il est sensible. Derrière son visage impassible et sarcastique, il cache un cœur énorme, qui n’a besoin que d’être rempli encore plus. Ne vous en faites pas qu’il trouvera toujours un moyen de consoler les malheureux, de rétablir la justice et de punir l’injustice. Sa pseudo méchanceté s’arrête lorsqu’il arrive à lire en une personne. Et seulement là. Lorsqu’on s’ouvre à lui, qu’on baisse les défenses, qu’on accepte sa personnalité étouffante, il devient la personne la plus attentive et compréhensive qui soit. A sa façon, évidemment. »

Marie Blondel, 65 ans, mère de famille, veuve de Paul, ancien député à la l’Assemblée Nationale.

« Physiquement, vous ne pouvez pas le manquer. Tout simplement parce que Nate refuse d’adopter la mode. Quand la tendance est aux cheveux courts, il préfère avoir une bonne longueur. La facette rebelle de la personnalité, qui lui attire souvent des ennuis, lui donne un charme fou qui en fait craquer plus d’une. Aussi, il est assez grand, à peu près 1m85. Sa carrure se limite à des larges épaules et quelques muscles dans les bras et sur le torse. Il est musclé, mais juste ce qu’il faut. En ce qui concerne les vêtements, il reste plutôt sobre, s’adaptant aux autres… Et à ce qu’il y a, surtout.

La première chose à remarquer lorsque vous voyez Nate, c’est son regard. Ses yeux sont uniques. On dit qu’il les tient de notre père. Un bleu particulièrement soutenu, qui prend les mêmes teintes que le ciel, ou même un uniforme. Ce n’est pas un bleu fixe, étant donné que beaucoup de nuances leur sont possibles. Parfois, des éclats plus clairs se nichent dans un bleu profond. Les yeux bleus caméléon, c’est une sorte d’adjectif qualificatif qui a été inventé pour lui.

Croyez-moi, il sait que son regard est insoutenable, et il adore en profiter. Oh ça oui ! Plonger un regard aussi bleu dans un autre regard, c’est prendre le contrôle. Et ça, il adore.

D’une façon plus générale, Natanael a long visage carré, terminé par un menton plutôt triangulaire sur lequel court une barbe plus ou moins légère. Refusant d’apparaître pour l’efféminé de service, il aime mieux garder la barbe. Mais ça lui arrive de se raser, et là, il prend un air plus gentil, et plus tendre. Ce n’est pas pour autant qu’il l’est… Ses yeux sont renforcés par de larges sourcils noirs, ce qui prononce encore plus la couleur inhumaine de son expression.

Pour ce qui est de ses lèvres, elles sont si fines qu’elles se fondent dans sa peau claire. Mais on dit aussi que ce sont elles qui renforcent de plus belle le charme du jeune homme. Lorsqu’elles se cachent parmi sa barbe, on les cherche, et le mystère continue. En fait, son physique s’accorde parfaitement avec son caractère. Il arrive à jouer de ses atouts, à les mettre en valeur pour manipuler les gens. Et croyez-moi, cela porte toujours ses fruits, ou presque.

Ces dernières années, nous avons vu défiler des tas de femmes à son bras, et toutes d’âge, de personnalité et de physique différents. Nate aime les femmes. Sa plus grande passion est de les conquérir, comme on conquit un territoire. Et le feu s’éteint lorsqu’il obtient tout d’elle, pour enfin recommencer du néant avec une autre. »

Mars 1976, beau bébé, belle famille… Tout avait tellement bien commencé dans la famille Blondel, du nom du père de Natanael, tout juste sorti du ventre de sa mère. Paul, ancien député à l’Assemblée Nationale Française, Marie, institutrice, venaient tout juste de s’installer à Londres.

Petit quartier résidentiel, beaux revenus, le couple avait donc décidé de faire ce que la nature leur avait offert de plus beau : donner la vie. C’est ainsi que leur fils, Natanael (le nom juif inspiré par les origines de Paul), arriva sur cette belle terre britannique qui lui donna les quelques droits de porter les couleurs du Royaume-Uni.

Natanael était un enfant très calme, très docile, aussi étrange que cela puisse paraître aujourd’hui. Toujours le nez dans ses bouquins à partir du moment où il apprit à lire, le petit garçon avait une culture générale bien plus développée que la moyenne. Raison pour laquelle sa vie sociale ne commença que très tard, si encore on peut appeler cela une vie sociale.

Petit, Natanael était plutôt le vilain petit canard, rejeté, mal-aimé. Chouchouté par ses professeurs pour son génie, et détesté par ses petits camarades, il préférait rester dans son coin, toujours observateur pour autant. Pourtant, cette situation ne le rendait pas malheureux. Quand Marie lui demandait s’il fallait y remédier, Nate disait toujours qu’il se sentait mieux seul, que les autres n’en valaient pas la peine.

Huit ans plus tard, Eloïse arriva dans la famille. Petite fille magnifique, tout de suite intégrée dans la société. C’était une perle, la beauté de la famille. Mais Natanael le prit bien, s’en occupa à merveille lorsque ses parents travaillent jusqu’à ses heures pas possibles. Bien que très peu sociable, détestant la compagnie, Natanael avait un don avec les enfants, une grande patience. Mais surtout l’amour de sa petite sœur.

Son adolescence fut un moment simple, contrairement à tous ses gentils camarades, qui se cherchaient. Nate avait grandi très vite, trop vite. Tellement vite qu’il revint en enfance un peu plus tard, mais ça, c’est une autre histoire… Nate brillait, dans tout. Le sport, l’écriture, il était appelé « le petit génie ». Et pourtant ses résultats scolaires étaient épouvantables. « S’ennuie en cours, ne veut plus faire l’effort d’écouter. »

Les problèmes de politique qui avaient poussé la famille Blondel à fuir la France s’étant arrangés, Paul et Marie décidèrent de revenir vivre à Paris. A l’âge de 13 ans, Nate intégra un collège en région parisienne, dans lequel il devint cet adolescent difficile, rebelle, qui causait tant de problème à tous ses professeurs. Ironique voire cynique, toujours à s’opposer aux règles, longues furent les heures à bouquiner en salle de colle.

Pour le canaliser, Marie le fit intégrer un cours d’équitation, après avoir entendu qu’on pouvait redonner confiance et stabilité à une personne juste avec cet animal. Et finalement, les efforts portèrent leurs fruits. Mais c’est ce moment que Nate choisit pour commencer à fréquenter les femmes. Entouré de jeunes filles dans ses cours, en pleine période d’adolescence, montée d’hormones, le jeune homme s’abandonna à la séduction. Il brisa probablement plus de cœur qu’il n’en conquit. L’équitation, finalement, était très efficace pour avoir toutes les jolies filles. Sa métamorphose physique arriva d’ailleurs dans cette période. Nate devint un homme, désiré, désirable, mais pas pour autant facile à avoir.
Eloïse et Nate étaient inséparables. Elle était la petite fille modèle, et lui le garçon rebelle, mais tout le monde s’accordait à dire que leur fœtus s’était coupé en deux, tant ils étaient complémentaires. Leur différence physique était aussi marquante que leur caractère, mais ces deux là n’auraient pu vivre l’un sans l’autre. L’une blonde aux yeux noirs, l’autre brun aux yeux clairs… Tout prêtait à confusion.

Lors de son arrivée en France, les chevaux ne furent pas les seuls à entrer dans sa vie. Ses parents se lièrent d’amitié avec Rose et Eric Rousseau, qui avaient une jolie petite famille française. Trois enfants, dont deux fils : Hugo et Gabriel. Parmi eux, une petite fille, avec un fort caractère et qu’il avait toujours aimé faire tourner en bourrique. Ambre Rousseau, jeune fille très intelligente qui faisait la fierté de sa famille et que les Blondel auraient aimé avoir parmi eux. Bien souvent, il avait entendu « Regarde comme Ambre réussit bien, tu devrais étudier avec elle ! » Autant de raisons qui le poussaient à l’embêter, bien évidemment.

Lorsque Nate obtint son baccalauréat français, mention européenne grâce à son anglais parfait, la famille s’installa à Rome. Marie devint professeur dans une grande université, Paul la suivit, pour une fois que ce n’était pas le contraire. Tout était si beau… Eloïse intégra un grand conservatoire musical, repérée lorsqu’elle était arrivée, jouant sur le piano d’une gare italienne.

L’apprentissage de la langue ne posa aucun problème à la famille, habituée aux changements. Natanael mit quelques mois seulement à parler d’un italien courant (les jolies italiennes y étaient probablement pour quelque chose…). Il travailla dans une bibliothèque pendant quelques temps.

Un évènement marquant fit prendre un tournant dans la vie des Blondel. Attentat à la bombe dans le métro londonien, où Paul se trouvait pour un congrès politique. Celui-ci trouva la mort, et sa famille se précipita dans la ville au plus vite. Mais le mal était déjà fait. La peine s’abattit sur les deux femmes. Très probablement sur Nate, aussi, mais il était résolu à ne pas montrer ses sentiments. Marie s’enferma dans son travail, ne rentrant presque plus à la maison. Eloïse fondit dans une immense dépression que seule la musique était capable d’apaiser. Elle fut envoyée dans un pensionnat en Nouvelle Zélande, pour retrouver un peu de joie de vivre.

Nate fut donc laissé seul, à vingt ans, dans une ville immense, magnifique, mais tellement remplie de souvenirs. Sans s’en rendre compte, il n’avait plus goût à rien. Ses rares amis ne le voyaient plus, il avait complètement laissé tomber les femmes. La peine ne se devinait pas sur son visage, mais le rongeait de l’intérieur.

Il passait de longues heures assis au milieu des champs de la campagne romaine, assis aux pieds d’un cheval, à penser. Et puis un jour, l’un des vieillards qui gérait le domaine vint s’asseoir à ses côtés. Dans un français parfait, il lui dit : « Pars. Pars pendant que tu es jeune, vas voir le monde, inspire-toi. Construis-toi. » Il ne fallut pas deux jours pour le convaincre. Nate sauta dans le premier avion.

Les années qui suivirent, le jeune homme enchaîna les boulots difficiles, mais jamais dans les mêmes endroits. Chaque année, et cela pendant dix ans, Natanael changea de pays. Croatie, Irlande, Espagne, Mexique, Afrique du Sud, Japon, Turquie, Brésil, Etats-Unis, et enfin Nouvelle Zélande furent ses terres d’accueil. A chaque fois, il acceptait les boulots les plus ingrats, les appartements les plus miteux, tant qu’il pouvait se balader à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit en se sentant libre. Libre de vivre, libre de s’abandonner.

Nate revenait de temps en temps en France, où sa mère s’était finalement installée. Elle avait préféré rester près de ses vieux amis Eric, mais surtout Rose, qui lui furent d’un immense soutient. Elle ne pouvait donc pas vieillit ailleurs qu’ici. Il en profitait pour apporter des cadeaux exotiques aux Rousseau, et observait la jolie Ambre, qui, il fallait l’avouer, avait tout réussi dans la vie. Y compris son épanouissement personnel : elle rayonnait. Mais il n’avait pas vraiment le temps d’être gentil, il repartait aussitôt pour son pays d’accueil.

A l’âge de 30 ans, Nate décida qu’il était temps de rejoindre la personne qui lui tenait le plus à cœur, en dehors de sa chère mère, qu’il revoyait de temps en temps… Eloïse n’était jamais revenue en Europe après avoir été envoyée en Nouvelle Zélande. Tout juste mariée, elle lui manquait terriblement.

Nate devint palefrenier dans un ranch, où il gérait les machines (tracteurs) pour nourrir le bétail, ou nettoyer les stabulations. C’était le prix à payer pour voir sa chère sœur.

Les années passèrent, gentiment, et cela dans une routine monstrueuse qui commençait à peser sur les épaules de Natanael. Un matin, il se promenait dans son quartier, voulut prendre le bus, et s’installa sur le banc détruit en attendant que le chauffeur daigne se montrer… C’est alors que son regard se posa sur une affiche, tout aussi miteuse… « Venez à Rose-Hip. » C’était si gentiment proposé !

Et voilà que Natanael entra à Rose-Hip pour la première. Pas de valises, quelques billets dans la poche… Et simplement envie de se faire oublier du reste du monde. Il accepta le premier poste venu, s’installa là où il trouva de la place, et commença à vivre. Vraiment.