Un cri. Un cri déchire la nuit ce 22 novembre 1988, à Moscou. Premier né de la famille, Roman est prédestiné à reprendre l’affaire familial. Un fils comme premier enfant, quoi de plus normal. Alors toute son enfance, le petit garçon fut présenté comme futur héritier. Il n’entendait que ça autour de lui. Il allait finir par avoir le droit de s’asseoir à la place de son père et diriger son entreprise. Quelque-part, c’était gratifiant. Son destin était tout tracé et il ne manquerait de rien. Tout comme il n’avait rien manqué de toute son enfance. Il avait toujours eu ce qu’il souhaitait. A ses 5 ans il avait eu envie de cette peluche en forme de lion. Il l’avait eue. A 8 ans il avait eu envie de ce vélo flambant neuf de couleur rouge. Il l’avait eu. A ses 11 ans il avait flashé sur cette guitare. On la lui avait offerte. Pour ses 12 ans, un appareil photo. Pour ses 12 ans et demi, on lui avait offert une petite sœur. Anastasia. Au début, il refusait tout net de l’approcher. Il la rejetait littéralement. Mais un jour, en s’approchant, celle-ci lui avait attrapé son doigt et ne le lâchait pas. Il fondit. Sa petite sœur était à présent tout pour lui. Il était à chaque fois là quand elle pleurait. Il était là quand il fallait la garder. Ses parents souvent absents à cause du travail et du devoir de son père, Roman était pourtant surveillé avec sa sœur par une nourrice. Il s’occupait mieux de sa sœur qu’elle. Enfin, il trouvait.

Les années passèrent. 18 printemps ça se fête pas vrai ? Et il les fêta dignement. Tous ses amis étaient présents dans la demeure familiale qu’on lui avait laissée. Alcool. Musique à fond. Drogue, un peu. Sexe, beaucoup. Roman le premier. Il emmena ce garçon dans sa chambre. Il se laissa faire. Il coucha pour la première fois en tant que soumis. Son attirance pour les hommes avait toujours été là mais jusqu’ici, il avait toujours été le dominant. Mais cette nuit-là, il découvrit le plaisir de ne faire qu’un en tant que soumis. Et ce mec… Ce mec il l’avait toujours désiré. Et il l’avait enfin. Juste après, il attrapa sa guitare et se mit à jouer quelques notes, complètement nu sur son lit, sentant les lèvres de son amant remonter le long de sa colonne vertébrale. Il rit. Il était bien. « On sort ensemble ? » Une mauvaise note se fit entendre. Il était surpris. Jamais il n’aurait pensé qu’il irait jusqu’à lui demander ça. Mais l’homosexualité, en Russie, était loin d’être bien vue. Peu de monde le savait à part ses partenaires qui n’étaient pourtant pas beaucoup. Mais là, sortir avec lui, avec Sergeï signifiait qu’il devait se montrer devant tout le monde, lui tenir la main, l’embrasser, être jugé par le regard des autres. Et dans le fond, il s’en foutait. Il voulait vivre, tout simplement. Alors il reposa sa guitare délicatement et s’allongea sur Sergeï pour l’embrasser. C’était un oui. Il prit une photo en souvenir de ce moment, leurs deux visages heureux, souriant.


Son père n’accepta jamais son homosexualité. Sa mère non plus. Il ne fut pas mis à la porte mais il n’avait le droit qu’à des remarques. Pourtant, lui, la seule chose qu’il demandait était de vivre son histoire avec Sergeï. Il ne voulait que lui. Et voir sa petite sœur sourire. Alors dès qu’il le pouvait, il retrouvait l’un des deux et s’enfermait dans sa bulle de bonheur. Il avait également avoué à son père qu’il ne reprendrait jamais son affaire. Il étudiait la photographie. Ses parents ne dirent jamais rien. Tant qu’il ne faisait pas d’esclandre et gardait sa vie… Secrète. Ils l’empêchaient d’être lui-même pour avoir le droit à ses études, vivre avec ses parents et sa sœur, vivre son histoire avec Sergeï. Sergeï… Il avait de belles paroles. Il était son soutien le plus infaillible. Et pourtant… Pourtant tout sombra pour lui. Ce fameux jour où il alla chez lui. Ce fameux jour où il tenait son appareil à la main pour prendre un portrait de lui dès qu’il ouvrirait la porte comme il aimait tant le faire. Mais Sergeï ne vint pas lui ouvrir. Roman utilisa le double des clés et entra. Et là, l’horreur à ses yeux. On le trompait. On le trompait horriblement. Son appareil photo tomba sur le sol. Se brisa. Comme son cœur. Il ne le laissa pas parler et s’échappa. Il récupéra son appareil et partit vite, loin. Il rentra chez lui et partit pleurer dans la chambre de sa petite sœur, dans les bras de celle-ci du haut de ses 5 ans. L’amour était horrible. L’amour était blessant. L’amour, c’était de la merde.
« Je pars à Londres. » Cette phrase claqua dans l’air. Pourquoi cette ville ? Il avait un pote qui était parti là-bas. Le bon plan pour y avoir un pied à terre. Il fallait qu’il parte loin. Loin de cette ville, de son ex, de sa famille, de cet enfer pour les homosexuels. Son seul regret ? Partir loin de sa sœur. Elle avait 10 ans aujourd’hui. Lui 22. Il lui parla, longuement. Ses parents n’en avaient que faire de son départ. Cela les arrangeait. Le fils ainé qui était comme une honte allait enfin partir. Trois jours plus tard il partit. Pour une nouvelle vie. Une vie où il ne ferait honte à personne et où il n’aurait de compte à rendre à personne, à part lui-même.


Rose Hip. 3 ans étaient passés depuis son arrivée. Roman avait son propre appartement. Il avait également son job. Il bossait comme paparazzi dans la ville de Londres. Cela ne valait pas grand-chose vu son talent de photographe mais ça payait. Il était connu comme le paparazzi qui arrivait à se faufiler partout et à avoir de sacrés clichés. Malgré son histoire, il souriait tout le temps et croquait la vie à pleine dent. L’amour ne faisait plus partie de sa vie. Juste de fortes amitiés et ça lui suffisait amplement. Tout comme il s’amusait dans tous les domaines : fête, amitié, sexe. Il n’avait aucune limite. Et n'en aurait jamais une seule...