CHAPITRE I ▲ All of me

Azraël faisait courir ses mains délicates sur son piano, cadeau d'anniversaire de ses treize ans. Il semblait encore qu'il était hier lorsqu'il l'avait déballé et qu'il s'était mis à pleurer, comme s'il avait eu droit à une montagne d'or. Un piano et une guitare pour son frère, c'était un don du ciel. Leurs parents n'auraient pas pu faire un si beau geste, arriver à les toucher plus encore que par ces présents. Voilà maintenant trois ans. Trois longues années qu'il jouait, sans discontinuer, son esprit divaguant au gré des notes délicates et cristallines. Pourtant, alors qu'il allait entamer le passage le plus délicat de sa chanson, passage qu'il avait travaillé durant des mois pour arriver à en maîtriser la plus faible nuance, il s'arrêta. Un sourire aux lèvres, sans relever la tête de son instrument, il reprit sa musique, comme si de rien n'était. Comme si rien, dans la pièce, n'avait changé. Comme s'il n'avait pas senti la présence d'une autre personne, de son autre Lui. Alors Joshua attendit, silencieux comme une ombre, accoudé au chambranle de la porte, que son frère ait fini sa chanson. Fermant les yeux pour une meilleure concentration, le pianiste se mit à chanter, accompagnant sa mélodie des paroles qu'il avait lui-même composé. Le spectateur ne disait mot, n'osait même plus respirer tellement chaque expiration semblait faire autant de bruit qu'un moteur en plein travail. Les larmes aux yeux, il observait. Il entendait ces mélodies au moins une fois par jour, et en composait d'aussi belles, mais il ne pouvait détacher les yeux de celui qui représentait sa vie elle-même. Il était comme accroché à ce jumeau que la vie lui avait assigné de force. Comme si rien ne pourrait jamais l'empêcher d'entendre le son de ce piano. Ce moment paraissait éternel, et en même temps extraordinairement court. Comme si le temps lui-même s'était figé pour écouter Azraël, tout en accélérant sa course pour ne pas prendre de retard. Sans doute le plus fragile des Gray ne se doutait pas du tumulte d'émotions que suscitait chacune de ses chansons chez son frère, mais ça, il n'en avait que faire. Il avait du talent, ils en avaient tous les deux, et sans doute iraient-ils loin de ce côté-là. Comme si son frère n'avait pas été là, Azraël enchaîna avec une chanson prise à un quelconque artiste qui n'avait pas la moitié de son talent. Joshua avait sérieusement pensé à poster des vidéos sur Internet pour montrer au monde son talent, mais son frère avait toujours refusé. Trop peu sûr de lui, trop peu envieux de partager son univers avec le reste du monde … Cela restait un mystère pour lui, mais il avait respecté sa décision sans mot dire. Pour ne pas risquer d’entacher la beauté de son art, de le gâcher d'une quelconque manière. Joignant sa voix à celle de son frère, il s'assit près de lui. Ces moments, ils les partageaient souvent, mais chacun d'eux semblaient être une perle de bonheur que ni l'un ni l'autre ne laisserait s'échapper. Représentant leur vie, leur amour l'un pour l'autre, leur dépendance. Si Joshua avait dû décrire son ressenti sur ce qu'Azraël était, il n'aurait pas hésité une seconde. «  Il est l'ancre qui me maintient à quai. Il est ma bouée de sauvetage, mon égal, mon sauveur. Il est celui qui me fait tenir debout, il est mon commencement et ma fin. Je lui donnerais tout ce que je suis, si je le pouvais. Je pourrais donner ma vie, et encore je trouverais que ce n'est pas assez pour ce qu'il est. » Azraël était sa famille, sa voie, sa moitié. Et cette cohésion se ressentait d'autant plus lorsqu'ils joignaient leur voix pour donner à leur environnement un faible aperçu de ce qu'ils étaient . Tout. Sans doute leurs parents auraient aimé pouvoir faire partie de ce tout. Sans doute en étaient-ils quelque peu jaloux. Mais personne ne pouvait totalement comprendre. Personne qui n'avait jamais expérimenté la gémellité. Ou simplement qui n'avait jamais tenté de les observer, de se positionner à leur place. La musique touchait à sa fin, malgré leurs efforts communs pour la faire durer, encore et encore, lui donnant une émotion qu'elle n'avait jamais eu, une vibrance inédite. Ils étaient comme dans un rêve, dans une brèche du monde destinée à eux seuls, comme un monde qu'ils se seraient créés pour se réfugier de la vie qu'ils menaient. Un monde rien qu'à eux, existant depuis qu'ils étaient en âge d'imaginer. Eux deux, ça avait toujours été l'évidence. Le même sang, le même esprit, comme un seul homme que l'on aurait séparé en deux corps. La musique se termina, leurs voix s'éteignirent, et dans un même mouvement, un sourire se développa sur leur visage. Avant que Joshua ait pu dire un seul mot, quand bien même il avait su quoi dire sans briser le moment présent, une voix retentit à travers les étages. «  C'est quand vous voulez les garçons pour venir manger ! » Haussant les épaules, les adolescents de seize ans se levèrent pour rejoindre le reste de leur famille, fredonnant encore la mélodie récemment éteinte. !

CHAPITRE II ▲ An angel with a shotgun

« Baisse-toi ! » La balle passa à deux centimètres du visage d'Azraël, et Josh se demandait si son frère allait survivre avec le rythme que lui imposait son cœur, lancé dans une course incroyablement rapide et dont il ne voyait pas la fin. Mais il le fallait. Son arme à la main, il grimaça à l'idée de savoir son frère trop loin de lui, et en danger qui plus était. Il commençait à n'en plus pouvoir de ces guerres de territoire. Celui-ci appartenait aux Vipers depuis des années, et tout d'un coup, les Hells Angels décidaient de le leur réclamer. Cela ne pouvait que mal finir, il n'y avait aucun doute. Jaime avait sa patience, et en tant que meneur de gang, n'avait pas vraiment hésité à lancer l'attaque. Etant son bras droit, Josh avait été lancé comme commandant des opérations, du moins, c'était une façon de parler, mais son rôle ressemblait plus ou moins à ça. Il n'aurait jamais eu à se battre en première ligne si Azraël ne s'était pas proposé pour la mission. Quel idiot quand il s'y mettait ! A trop vouloir le protéger, il risquait sa vie, ça avait toujours été ça. Jaime avait failli le faire lapider lorsqu'il avait voulu les rejoindre. Trop gentil à son goût, trop doux. Et pourtant, il aurait eu tort de se priver de ses talents … Maintenant, Jaime comptait autant sur l'un que sur l'autre, mais avait tout de même grimacé de les voir tous deux s'en aller en avant de la confrontation. Et ce qui avait commencé comme un pour-parler finissait maintenant en tirs et en balles perdues dans une ruelle sordide de New-York. Il fallait s'en douter, les motards ne se laissaient pas facilement convaincre. Et les Vipers étaient loin d'aimer les discussions à rallonge. En additionnant le tout, voilà qui donnait une merveilleuse petite sauterie qui était loin d'être finie. Pourquoi Joshua avait-il décidé de rejoindre les Vipers en premier lieu ? Même lui ne le savait plus. Le goût du risque, la double vie, la violence. Il était violent, ça oui. Il se soignait, avait commencé la boxe pour pallier à cela mais sans succès. Alors il avait trouvé sa voie. Il était d'ailleurs l'un des seuls à avoir été accepté sans être passé par la case prison, allez savoir la chance qu'il avait eu. Il avait dû faire ses preuves bien entendu, mais maintenant, à vingt-trois ans, il avait atteint une place enviée de tous. Sans penser qu'un jour, il pourrait ne plus en vouloir. Se levant de sa cachette, il s'élança, les dents serrées, et tira sans bien savoir ce qu'il visait. Un cri de douleur lui confirma qu'il avait bien touché quelqu'un, et l'ivresse de la scène lui donna un petit sourire au coin des lèvres. Il allait par ailleurs réitérer l'exploit, mais une voix grave s'interposa. « C'est bon les gars, on rentre. On reviendra, Vipers ! »  Le bruit des moteurs vint faire place aux bruit des balles, et Josh partit dans un rire hystérique, épuisé, l'épaule endolorie de s'être pris un coup quelques minutes plus tôt. Il savait qu'ils n'avaient pas dit leur dernier mot mais qu'importe. Sortant à découvert, il remarqua la raison de la fuite des motards lorsque les sirènes lui parvinrent. Sifflant pour sonner la retraite, il partit en courant, prenant soin de rejoindre son frère. S'ils avaient survécu tous les deux, ce n'était pas pour qu'il le laisse là. Sautant par-dessus une barrière, ils continuèrent à courir, empruntant ruelles sombres sur ruelles sombres, s'attachant à semer la police qui semblait toujours continuer à les poursuivre. Au bout de vingt minutes de course effrénée, Azraël le stoppa. «  Je pense que c'est bon. » Joshua acquiesça. Tous les Vipers s'étaient éparpillés, il ne savait donc pas où ils se trouvaient, mais la seule chose certaine était qu'ils feraient mieux d'aller faire leur rapport à Jaime avant que celui ci ne lance des hommes à leur recherche. Un accident était si vite arrivé, après tout, et les autres hommes n'étaient pas pour tous les apprécier, ils le savaient. Ils mirent une demi-heure à atteindre le quartier général, tout en évitant les caméras surveillance postées sur tous les parkings et dans quelques rues, mais y arrivèrent finalement. Cependant, Josh eut un mauvais pressentiment, qui le poursuivit jusqu'à ce qu'ils arrivent devant les premières portes, gardées par des hommes en noir et armés. Evitant de se montrer, il indiqua d'un signe de la main à Azraël le chemin de la porte arrière, et ils s'y rendirent. Heureusement pour eux, personne n'y était planté en tant que garde, et ils se glissèrent dans la bâtisse, attendant dans l'ombre, lorsqu'ils captèrent des voix. Ils reconnurent bien entendu celle de Jaime, mais les autres avaient cet accent si particulier qui les rendait presque incompréhensible. Une grimace sur le visage, Azraël haussa les épaules. «  Les russes sont de retour. » Si il ignorait tout des trafics entre les Vipers et la mafia russe, ce n'était pas le cas de Josh, qui pria pour que tout se passe bien. En général il n'y avait pas d'incident mais une bourde était si vite arrivée, et Dieu savait qui Jaime avait pris pour le remplacer le temps qu'il revienne. D'un regard lourd de sens lancé à son frère, il soupira. «  Il faut que j'y aille. » Et sans un regard en arrière il s'avança dans la lumière, les mains en avant.
CHAPITRE III ▲ Say Something

Un rayon de soleil vint chatouiller la paupière de Joshua, qui ouvrit doucement les yeux. Par réflexe, il se colla un peu plus à la personne à ses côtés, qui émit un grognement tout ensommeillé. Jamais le jeune homme n'aurait pu trouver meilleur réveil que celui que lui offrait la vision d'Hécate, lovée au creux de ses bras, Morphée n'étant toujours pas décidé à la lâcher. Sans doute le comprenait-il. Lui non plus aurait voulu la garder éternellement près de lui. Laisser le temps suivre son cours tout en s'enfermant dans cette bulle qu'était leur vie parfaite. Loin était les Vipers, la violence, la haine. Il n'y avait ici de place que pour l'amour, le vrai, le fort. L'unique. Celui qui vous faisait trembler l'âme, avoir pitié de ceux qui ne le connaissaient pas, ne voir que la personne qui vous accompagnait, et vouloir qu'elle reste à vos côtés jusqu'à votre mort, et même au-delà. Lui donner la vie éternelle, et si cela n'est pas suffisant, lui offrir tous vos biens. Le serpent sur son bras n'était plus qu'un simple tatouage, les activités qu'il pratiquait avec son frère en dehors de leur appartement devenaient de simples sorties entre hommes. Sa vie était normale, simple, habituelle. Belle. Elle était belle. Le soleil osait à peine effleurer sa peau, de peur de réveiller la déesse qui dormait encore. Un rayon aventureux éclairait ses cheveux, les rendant brillants de mille feux, leurs boucles auburn délicatement dispersées sur l'oreiller et sur son torse. Il aurait pu rester des heures à l'observer, des heures à passer sans rien faire, seulement inspirer et expirer à son rythme, comme pour se prouver qu'ils étaient en parfaite harmonie, faits pour être ensemble. Mais la réalité était que personne n'en doutait, personne. Pour leur entourage, il était clair qu'on les retrouverait dans dix ans entourés d'enfants de tous âges. Et même si elle rougissait à s'entendre dire de telles choses, secouant la tête pour signifier la bêtise de son interlocuteur, elle souriait. Parce qu'il s'agissait là précisément de ce qu'elle attendait. Elle voulait faire sa vie avec lui aussi ardemment que Josh. Hécate voulait des enfants, mais pas avec n'importe qui, avec lui. Seulement lui. Parce que son sourire était tel que des éclats de bonheur plantés au creux de son cœur, parce qu'elle ne pouvait se détacher de son regard, parce qu'il avait cette façon de lui parler, de prononcer son prénom, de l'observer lorsqu'il pensait qu'elle ne le regardait pas. Il avait cette manière si particulière de l'aimer. Même maintenant, alors qu'elle faisait semblant de dormir encore pour ne pas avoir à écourter ce moment, elle sentait ses yeux posés sur elle, la brûlant comme un feu qu'elle n'aurait su éteindre. « Tu sais que je ne dors plus depuis longtemps, pas vrai ? » Josh marqua un petit rire, signe qu'elle attendait pour ouvrir les yeux et lui sourire. « Je te connais trop bien pour passer à côté des indices que tu laisses. » Vexée, Hécate se redressa brusquement, regrettant presque automatiquement d'avoir quitté le confort de son corps.  Croisant les bras pour lui faire face, les jambes repliées sous son corps, elle fronça les sourcils. «  Quels indices ? Je pensais être discrète. » Taquin, Josh se releva pour l'attirer doucement à lui. «  Oh tu l'étais, mis à part ton changement de respiration, ton rythme cardiaque et tes efforts pour ne pas te trahir en ouvrant les yeux. » Secouant la tête, la jeune femme commit l'erreur de le regarder dans les yeux. Et là, elle baissa les armes. Alors lorsqu'il l'attira à elle pour l'embrasser, elle se laissa faire, mettant de plus en plus d'ardeur dans leur baiser. Et là, quelque chose s'imposa à elle, comme une évidence. Elle le savait, elle le pensait depuis des années, depuis la première fois qu'il avait posé les yeux sur elle, depuis la première fois qu'elle lui avait souri, dans cette soirée qui n'était pourtant pas terrible. Elle savait que c'était Lui et il savait que c'était Elle. Mais jamais ils ne s'étaient exprimé sur le sujet. Ce n'était pas la peine, ils le savaient. Pas la peine de le dire, le penser et le montrer était bien suffisant pour eux. Mais ce matin là, elle avait besoin de le lui dire. Elle voulait le lui dire. « Je t'aime Josh. » Sentant son étreinte se resserrer, elle eut brièvement peur qu'il ne lui réponde pas. Qu'il fasse comme si de rien n'était, qu'il continue de l'embrasser comme si elle n'avait rien dit. Brisant son cœur en mille morceaux par peur de ce qu'il ressentait. Mais l'attente ne fut pas si longue, et la fixant, il ne tarda pas à dire les mots qu'elle attendait depuis si longtemps, comme s'il s'était douté des doutes qui l'avaient soudain assaillie. « Hécate, je t'aime depuis le premier jour, et rien au monde ne pourra jamais changer ça. »

CHAPITRE IV ▲ Dark Horse

«  Allez, aie un peu confiance en moi, il t'arrivera rien ! » Hécate grimaça, peu sûre de ce qu'elle allait faire. Mais elle finit par céder, un soupir de résignation au bout des lèvres, le casque à la main, casque qu'elle finit par visser sur sa tête, sans mot dire. Elle mit deux bonnes minutes à bien s'installer contre lui, la moto semblant être un véhicule trop aléatoire et trop peu stable, selon ses dires, pour qu'elle arrive à complètement se rassurer en y montant. Mais Josh voulait lui faire découvrir sa passion et elle ne pouvait rien lui refuser, c'était un fait. Alors elle avait accepté, alors même qu'elle commençait à haïr son amour pour lui. Le véhicule démarra, et elle se retint de crier, s'accrochant de toutes ses forces au torse de son fiancé, qui sourit. Voilà une des nombreuses raisons pour laquelle il aimait particulièrement ce genre d'expériences. Il fallait bien qu'il en retire quelques avantages. New-York en moto ne l'intéressait pas vraiment, aussi il prit la direction de la sortie de la ville, ne manquant pas de s'assurer quelques fois qu'Hécate allait bien et qu'elle n'avait pas envie de s'arrêter. Mais elle sembla commencer à s'y faire, aussi, Josh commença à prendre confiance en lui, et arrivé aux limites de la ville, accéléra un peu, un tout petit peu. Il entendit la brune derrière lui pousser un petit cri de surprise, et se mit à rire. En tant que passager, l'expérience pouvait paraître beaucoup plus impressionnante que ce qu'il croyait, ayant tout de même l'avantage de l'habitude. Mais il y a des choses qu'à vingt quatre ans, on imagine pas. On imagine pas faire partie de ces statistiques sur les accidents de la route, par exemple. On imagine pas que monter de quelques kilomètres heures pouvait être dangereux, on imaginait pas que toute une vie pouvait changer en l'espèce de quelques secondes. Ou peut-être quatre vies ? C'est là qu'il les aperçut, arrivant en face de lui à pleine vitesse. Cet homme accompagné de sa femme, qui hurlait depuis dix bonnes minutes à son mari de ralentir car ils allaient finir par percuter quelqu'un. Mais le mari non plus ne se doutait pas. Pour lui ce n'était que des élucubrations de bonne femme, il n'avait accéléré qu'à peine. Et pourtant ces deux couples allaient bientôt se rencontrer. Lorsque Josh vit la voiture, dans un virage, il était bien trop tard, pour lui comme pour Hécate. Il tenta de l'éviter, mais ne réussit qu'à perdre le contrôle de la moto. Le choc fut terrible. Comme si un tremblement de terre les avait secoués comme des feuilles, Josh se souvint du cri que poussa Hécate. C'est la dernière chose dont il se souvint, d'ailleurs, lorsque sa tête heurta violemment le sol. Ca, puis la douleur. Physique, bien entendu, le sang s'écoulant quelque part de l'une de ses jambes, quelque chose l'ayant transpercée de part en part. Mais avant qu'il ne sombre dans le noir, dans l'inconscience, sa dernière pensée fut pour l'amour de sa vie. Si seulement il avait eu ne serait-ce que le bon sens de l'écouter … Alors il adressa une prière à qui voudrait bien l'entendre. « Pitié, faites qu'elle ne soit pas morte. »

CHAPITRE V ▲ The other side

Joshua ouvrit les yeux brusquement. Pendant quelques secondes, il ne se rappela de rien, le brouillard du sommeil demeurant bien présent. Puis soudain, tout lui revint. La douleur, la peine, la peur. Hécate. Comme si son cœur se déchirait, il ne put que se résigner à crier son nom de toutes ses forces, espérant que là où elle était, elle l'entendrait. Mais ce n'est pas elle qui lui répondit. Il sentit quelqu'un lui attraper le bras. Une pression à la fois autoritaire mais aussi prévenante. Il l'aurait reconnu entre mille. Azraël. « Calme-toi Josh ! Calme-toi ! » Le regard perdu, il chercha son frère du regard, pour finir par le trouver auprès de lui, le regard soucieux. Mais il n'avait pas envie de poser de questions, non, la seule chose qui l'intéressait, c'était de savoir si Hécate allait bien. Alors il tenta de se redresser , difficilement mais sûrement. «  Où est-elle ? Il faut que je la voie. » Mais alors qu'il posait son premier pied au sol, il fut ramené au sol violemment par son frère, qui l'attrapa par les deux épaules, pour être sûr qu'il le regardait bien. «  Josh ! Tu ne peux pas la voir, pas pour le moment. Il est trois heures du matin, d'une part et … Elle est dans le coma, dude. Ils ne savent pas si elle pourra se réveiller un jour. » Joshua relâcha brutalement la pression qu'il exerçait sur les mains de son frère pour le forcer à le lâcher. Il n'était pas encore totalement éveillé et pourtant chaque mot entendu était entrés en lui comme un poignard trop aiguisé. Tout était de sa faute. S'il ne l'avait pas forcée à monter sur sa moto, s'il n'avait pas accéléré, pensant qu'il ne croiserait personne … Bien que toutes ses pensées soient tournées vers Hécate, il ne put s'empêcher de penser à celui qu'il avait percuté, ou qui l'avait percuté, maintenant, tout ça n'avait plus aucune importance après tout. Mais lui, ou eux, qu'était-il devenu ? Etait-il en vie ? Dans le coma également ? Comme si son frère devinait parfaitement ses questionnements, il serra les lèvres. Azraël savait que tout ce qu'il avait à dire ne serait pas évident. « Ils sont morts, bro. Tous les deux. L'homme et la femme qui étaient dans la voiture. » La violence n'effrayait pas Josh. Jamais. Mais entre utiliser une arme à feu de sa propre volonté, et tuer accidentellement deux personnes qu'il ne connaissait même pas, il y avait une grosse différence. Un gémissement incontrôlé s'échappa de sa propre gorge sans qu'il ne put l'en empêcher. Et elle .. L'avait-il tuée aussi, apprendrait-il sa mort dans les prochains jours ? Fixant son frère, qui lui tenait maintenant la main, il sentit les larmes dévaler ses joues. Pourtant, malgré cette situation de crise, ce réveil dans ce lit d'hôpital, ces nouvelles qui tombaient comme le couperet d'un karma trop vicieux .. Il ne vit que les yeux rougis et les larmes qui continuaient de courir de manière incontrôlable sur les joues de son frère. Et ça l'inquiéta bien plus que tout le reste. Essayant de prendre un ton léger, malgré tout ce qu'il devait à présent encaisser, il en parla. «  Me dit pas que tu pleures parce que je suis réveillé, je me sentirais vexé. » Azraël ne daigna même pas feindre un sourire, et se contenta de serrer plus fort sa main, comme si elle allait lui échapper d'un instant  à l'autre. «  Je suis désolé … J'ai quelque chose à te dire. Le médecin il ... » Reprenant sa respiration, son frère prit une pause. Ce qu'il avait à dire semblait bien trop terrible pour le laisser de marbre, aussi, la peur prit Joshua aux tripes, et il attendit le coup fatal. Il attendit et puis … «  T'es malade Josh. T'es malade et personne peut rien faire pour te sauver. »

CHAPITRE VI ▲ Try to fix you

  «  Voilà notre part du marché. » L'agent fédéral balança d'un air négligeant le dossier devant lui. Ils n'avaient toujours rien trouvé de mieux pour l'accueillir qu'une salle d'interrogatoire, mais ça lui importait peu. Il allait bientôt être libre, dans un autre pays, avec une autre vie. L'annonce de sa tumeur n'avait fait que le conforter dans son idée. Quitte à n'avoir plus qu'un temps court et indéterminé à vivre, autant en profiter  à fond. Voir Hécate immobile ne faisait que lui briser le cœur, le déchirer en morceau, le rendre plus coupable qu'il ne l'avait jamais été. Alors ce flic pouvait bien être hautain autant qu'il le voulait, ça ne l'atteindrait pas. Ca ne l'atteindrait plus. Attrapant le dossier, il commença à le feuilleter. Souriant de toutes ses dents, il releva les yeux. «  Ezeckiel Moriarty ? Sérieusement, vous avez rien de mieux ? » Fronçant les sourcils, l'homme en face de lui lui adressa un geste équivoque. « Ta gueule et lis. Apprends ton histoire .. Il y a sans doute d'autres détails qui te marqueront plus que ton nom. » L'homme ricana, comme s'il était au courant de quelque chose que lui-même ignorait. Alors il se reporta sur le dossier, s'appuyant sur sa chaise. Il lisait en diagonale sa prétendue histoire. Habitant des USA, il n'avait rien connu d'autre que sa passion pour le dessin et le sport – ils ne s'étaient pas énormément foulés sur ça sans doute – mais avait vécu absolument de façon respectable. «  Je ne vois pas … Attends c'est qui ça Liam ? » L'agent fédéral lui sourit, comme s'il avait gagné un prix ou il ne savait quoi d'autre.   «  C'est une blague pas vrai ? Non, ça je dis non ça va pas le faire … » En couple avec Liam Morris. C'était une caméra cachée ou quelque chose du genre comment ça se passait ? Il n'avait absolument rien contre les homosexuels en eux mêmes mais il connaissait ses aspirations et elles n'avaient rien avoir avec la gente masculine. D'autant plus que s'imaginer avec un mec le dégoûtait au plus haut point.   «  Ca le fera pas, moi je vous le dis. » L'homme, un sourire carnivore aux lèvres, se dépêcha de rétorquer. «  J'espère pour toi que si si tu ne veux pas te faire buter. »   Nouvelle page, nouvelle histoire. Great.