Pourquoi avez-vous décidé de venir vivre à Rose Hip ? Je ne l'ai pas décidé. J'y suis né. Mais j'ai la chance de vivre dans un luxueux loft en plein centre ville.
Pour la petite histoire, mes grands parents paternels ont su trouver leur place à Rose Hip en achetant des actions et en investissant dans de prestigieux biens immobiliers. Depuis, les Longcastle n'ont jamais quitté le quartier calme de Petal et je dois dire que notre situation économique n'est pas à plaindre. Les rentes qu'on perçoit nous suffisent largement pour vivre. Voitures de luxe et yachts, bijoux et vêtements de haute couture, domestiques et jardiniers, on peut tout se permettre. De quoi rêver, n'est ce pas ? Et pourtant. Pourtant je déteste cet endroit. Je déteste ma famille. Et je déteste mes amis.
Derrière tout cet argent, il y a une mentalité que je ne supporte pas. Je me sens tellement à part et éloigné de tous ces gens qui ne se jugent que par leur compte en banque et leurs apparences. Un fossé nous sépare. Et le pire, c'est que jusqu'à mes 20 ans, je faisais partie de ce monde. J'en étais même un symbole. Enfin ça, c'est ce que je découvre petit à petit car ma vie a réellement débuté il y a deux ans, après mon amnésie.
Que pensez-vous de la Rosehaie, en toute honnêteté ? Honnêtement ? Je n'ai aucune haine contre Rosehaie. Non, je ne rejette pas les habitants de Rosehaie. Et non je ne les considère pas comme des déchets de la société ou des renégats noircissant le tableau de notre bourg - qui n'est pas aussi blanc qu'il n'y paraît - mais c'est une autre discussion.
Pour revenir au sujet, je pense que c'est un endroit où l'honnêteté peut primer sur les faux semblants. On connaît tous leur misère, leurs difficultés et leurs activités illégales mais au moins, ils ne se le cachent pas. Je n'y suis allé que très rarement ces deux dernières années... Vous savez, parfois quand la réalité de ce que je suis (ou je ne suis pas) me rattrape, quand faire semblant d'être celui que j'étais devient invivable,  j'ai envie de fuir. Partir très loin. Et c'est là bas que je trouve refuge, là où ma famille et mes amis ne me chercheront pas. Alors, je dirai que cet endroit est pour moi synonyme de liberté et d'aventure. Il y a une richesse à développer dans cette population, j'en suis certain. La cité peut nous apporter beaucoup. Je songe d'ailleurs a m'y rendre plus souvent. Peut être y découvrirai-je un peu plus sur moi ?
Comment vous définiriez-vous ? Comment je peux me définir alors que je n'ai plus de passé ? Sans passé, je n'ai plus d'identité. Je dois me la recréer chaque jour. En espérant ne plus avoir à l'oublier. Je dois avouer que j'adopte deux comportements. A Rose Hip, face à mes proches, je fais figure. Je me laisse porter par le mouvement rapide de mon ancienne vie. C'est à dire celle d'un dragueur sans gêne, infidèle et assez populaire. Il faut dire que mon amnésie est un tabou et je n'ai d'autres solutions que de me plier à cet ancien moi.
Et en privé, quand je suis seul avec mes pensées, ou avec les rares personnes qui me comprennent, je me permets de ne plus jouer ce personnage. Et là, je suis un homme sans repère qui veut vivre. Vivre sa propre vie, ses propres expériences. D'ailleurs, pour contrôler ma peur de l'oubli, je tente de garder matériellement un souvenir du moment présent. Peinture, écriture, photo... tout est bon pour immortaliser ma nouvelle vie. Pour tout dire, je cherche continuellement un équilibre entre un passé que je n'ai pas vécu et un présent qui est désormais le mien.