1981. Un mois d’août comme les autres, ou presque. Alors que tous les amis étaient partis en vacances pour des destinations plus ou moins exotiques, John et Stella Wellington attendaient avec impatience l’arrivée d’un évènement qui allait chambouler leur vie à tout jamais. Et ce fut au beau milieu de la nuit que ce dernier se décida enfin à arriver. John, qui n’avait jamais conduit si vite à travers les rues de Glasgow, rallia l’hôpital pour y accompagner sa femme, et assister à la naissance de son premier fils. Depuis qu’ils y réfléchissaient, les deux tourtereaux avaient eu le temps de se mettre d’accord et lorsque la sage femme leur demanda quel prénom elle devait inscrire sur son bracelet, ils répondirent en cœur : « Ross ».
Les Wellington n’étaient pas particulièrement riches et pourtant, ils vivaient dans une maison tout à fait charmante, qu’ils avaient héritée de la mère de Stella, décédée quelques années plus tôt. Respectivement vendeuse dans une épicerie et garagiste, les jeunes parents s’efforcèrent d’élever le petit Ross en faisant en sorte qu’il ne manque de rien, quitte à se priver un peu et à abandonner tous les petits plaisirs qu’ils s’autorisaient auparavant. Et treize années après sa naissance, ils lui offrirent une petite sœur, Emily, pour laquelle Ross se prit immédiatement d’affection. En parfait grand frère, il ne tarda pas à prendre ses responsabilités et à tout faire pour la protéger, quoi qu’il arrive. S’occupant d’elle lorsque ses parents partaient travailler, il tissa avec Emily une relation des plus fusionnelles, si bien que leur complicité s’avéra inébranlable, même lorsque la difficile période de l’adolescence arriva.    

Alors âgé de dix-huit ans, Ross n’avait rien perdu de sa bienveillance envers sa petite sœur, et ce fut d’ailleurs en la ramenant de l’école que sa vie bascula à tout jamais. En arrivant dans le quartier où la famille résidait, un nuage de fumée l’interpella à mesure qu’il avançait vers leur maison. Très vite, il aperçut des gyrophares et alors qu’il se présentait à l’angle de la rue en tenant sa sœur par la main, Ross se figea. La demeure était en flamme, et un nombre incalculable de pompiers s’activait pour venir à bout de cet incendie monumental. Attrapant Emily pour la porter dans ses bras, l’adolescent se précipita vers la maison mais un pompier l’arrêta en cours de route. La suite ne fut qu’une succession de scènes cauchemardesques, durant lesquelles on lui demanda son identité, celle de sa sœur, avant de lui annoncer que ses parents étaient présents au moment de l’incendie… mais que les pompiers n’avaient rien pu faire pour les sauver. A dix-huit ans, Ross se retrouvait donc seul, orphelin avec sa sœur de cinq ans sans aucun toit sous lequel vivre, la totalité de la maison ayant été détruite par les flammes.
La seule famille qui restait encore aux enfants Wellington était une tante, qui vivait dans un endroit dont Ross ne connaissait rien : Rose Hip. Avertie de la tragédie, cette dernière s’empressa de recueillir Emily et Ross chez elle, leur évitant ainsi d’atterrir dans une famille d’accueil quelconque ou pire : d’être séparés et placés dans des familles différentes.  

A première vue, la Rosehaie n’inspira absolument rien de bon à Ross. Il porta un regard méfiant sur tout ce qui l’entourait, regrettant un peu plus chaque jour la maison familiale de Glasgow. Mais peu à peu, il commença à s’adapter à cette nouvelle vie. L’insouciance de sa sœur, et cette responsabilité qu’il s’était donnée de ne pas laisser peser trop de poids sur ses petites épaules après l’accident l’aidaient finalement à refaire surface au moment où il ne s’en croyait plus capable. Néanmoins, Ross restait très marqué par l’évènement malheureux qui avait coûté la vie à ses parents, et sans qu’il ne comprenne bien le pourquoi du comment, la profession de pompier s’imposa à lui comme une évidence. Comme pour conjurer le sort, il voulait être de ceux qui secouraient des gens, qui sauvaient des vies chaque jour. De plus, réalisant tous les efforts que sa tante mettait en œuvre pour s’occuper de sa sœur et lui, Ross mit un point d’honneur à toucher un salaire rapidement afin de la soulager un peu.

Aujourd’hui, Ross a accompli son rêve en devenant pompier professionnel et même si les images de la maison familiale en flammes le hantent encore tous les jours, il se passionne pour son métier, aussi difficile soit-il. Il a accumulé assez d’économies pour se payer la location d’un studio à la Rosehaie, studio qu’il partage régulièrement avec sa sœur désormais âgée de vingt ans. Cette dernière vit encore avec leur tante, mais puisqu’ils sont incapables de passer plus de quelques jours sans se voir et se parler, elle crèche souvent chez Ross. Et lorsqu’elle n’est pas là, Ross passe son temps libre à fréquenter les bars et autres boites de nuit alentour avec ses amis, ne manquant pas une occasion de revenir chez lui en charmante compagnie.
Depuis quelques temps cependant, il se plait à fréquenter un café de la ville dans lequel il ne mettait jamais les pieds auparavant. En fait, il lui avait suffi d’une fois. Une fois pour croiser le regard d’une des serveuses, qui avait fait de lui sans le savoir un de ses clients les plus fidèles. Car si Ross dépense aujourd’hui une fortune dans ce petit café, ce n’est pas parce qu’il est devenu accro… du moins, pas accro au café mais plutôt à cette fille qui lui parait si mystérieuse, si distante, et qui occupe pourtant de plus en plus ses pensées.