Où il est question de Star Wars, de nationalité douteuse et de soupe à l'oignon.
En bref, où il est question du premier acte de sa vie du vagissement qu'il a poussé au sortir de sa mère à la fin de l'école primaire où il tirait les couettes de Primrose McAdams. En bref bis, la partie heureuse de sa vie - soit une dizaine d'année, ce qui n'est pas si court que ça. Donc, Anakin était un gamin banal, pas remarquable, pas très intéressant. Sa mère, une écossaise pleine de vie, avait épousé un garagiste français sans le sous et ils avaient tous atterri là, à Inverness, à galérer pour boucler les fins de mois et à tirer dans les supermarchés. C'était pas la grande joie mais c'était une nécessité et, dans son souvenir, c'était plutôt très rigolo de passer devant le vigil de la supérette et de savoir qu'on avait les poches pleines de chocolat au lait. Non, définitivement, même s'il y avait des fuites plein la toiture et qu'il n'avait jamais goûté à autre chose qu'à la marque premier prix du supermarché, Anakin avait été un gamin heureux. Jusqu'à ce qu'il apprenne que Dark Vador était un méchant.
Bon, forcément, dit comme ça, ça a l'air risible. Mais imaginez trente seconde le traumatisme d'avoir été appelé par le prénom du plus vilain des vilains méchants du PAF. Quelle crédibilité on a, à cinq ans, quand on a un prénom de méchant et qu'on veut être le policier et pas le voleur ? Sérieusement ? Aucune.  Bref. Après une longue carrière dans le rôle du méchant, Anakin avait fini par leur faire des bras d'honneur et par se faire punir par la maîtresse.
Autant pour la justice.
D'autant plus que sa mère l'avait puni en lui faisant avaler cul sec son horrible soupe.
Autant pour la justice, bis.


Où il est question de bracelet brésilien, d'effusion et d'échec.
En bref, où il est question du deuxième acte de sa vie, du début du collège à la fin précipitée du lycée, soit quelques années quand même - trop à son avis. En bref bis, la partie de sa vie où il possédait un chien à trois pattes qu'il aimait passionnément. Donc, Anakin n'avait pas une vie passionnante on vous avait prévenu. Après une fin remarquée d'école primaire et la découverte déchirante de la véritable nature de son homonyme, il avait enchaîné le collège où il s'était fait plus remarquer par le fait qu'il était complètement à côté de ses pompes que pour autre chose. Sa meilleure amie, Primrose McAdams, lui écrasait joyeusement le bout des pieds en marchant à reculons pour essayer d'attirer son attention pendant qu'il jouait d'un air absent avec le semblant de bracelet brésilien qu'il avait accepté de passer à son poignet. La folie, en somme. (ou pas, certes)
En troisième année, Primrose l'avait embrassé et il avait grimacé avant de se prendre une porte. Elle ne lui avait plus vraiment parlé après. Il se disait que c'était parce que c'était une fille mais en fait c'était juste qu'elle était pleine de bon sens et que, définitivement, Anakin était un mauvais plan pour la vie sociale - ou pour la vie tout court. Seul et zombifié, il avait continué à traîner ses baskets au lycée, l'air plus mort que vif, accompagné de son clébard déglingué - ou déambulant dans un univers parallèle, sait-on jamais.
Son prof de maths en seconde année de lycée avait tenté de le secouer. Anakin lui avait adressé un regard vitreux. Le prof n'avait pas lâcher l'affaire, ne l'avait pas lâché, lui, mais Anakin avait continué à se laisser couler, lentement mais sûrement, dans les tréfonds de l'échec scolaire. Paul avait fini par le secouer physiquement et ça avait fait mourir de rire Anakin.
"Je suis nul" avait-il déclaré avec une telle conviction que le professeur en était resté bouche bée. "Laisse tomber, M. McPherson. Je sais même pas faire des divisions alors le reste, tu penses bien."
Paul McPherson avait levé les yeux au ciel. Finalement, il l'avait laissé aller.
Monsieur McPherson était resté un ami, lorsqu'il avait échoué.
Le seul.


Où il est question de voyages, de retour au lycée et de cimetière.
En bref, où il est question du troisième acte de sa vie, de sa fuite d'Inverness au moment présent. En bref bis, la partie de sa vie où il a rempli ses valises de plein d'objets inutiles et qu'il a suivi McPherson sur la route - enfin pas vraiment. Donc, Paul avait demandé une mutation pour Rose Hip. Ca s'était fait sans heurts, sans qu'Anakin n'y fasse vraiment attention. Paul lui avait dit que le lycée où il allait recherchait un pion et il n'avait pas vraiment réfléchi avant d'accepter de le suivre. Déprimé, fatigué, il avait préféré prendre le vent plutôt que de subir la déception de ses parents, prendre le large plutôt que d'assumer les raisons de son échec. Monsieur McPherson y déménageait avec femme et enfant mais il avait aidé Anakin à remplir les dossiers pour un logement - s'était même porté garant pour lui. Autant dire que, concrètement, la liste des choses qu'il devait à son prof de maths s'était allongée drastiquement et qu'il avait fini par décider d'arrêter d'y penser parce que ça lui prenait trop la tête.
Au départ, il lui était reconnaissant et puis, petit à petit, il avait appris à connaître Rose Hip. De tous les bleds de la terre, il fallait que Paul ait choisi le coin le plus bidon de la terre, le coin le plus mort, le coin le plus pète-cul du monde. Et il en était fier, en plus de ça. Bref. Dans sa cité - La Rosehaie, que ça s'appelait, le nom le plus fleuri de la terre pour le coin le plus lugubre du monde - il avait fini par se faire son trou, entre les petits trafics, les élèves dont il bottait le cul et les sourires factices. Il s'était fait courser par un dealer, avait été chercher des ballons pour des enfants, avait été un voisin tranquille et silencieux - quoi qu'un peu désagréable parfois.
Petit à petit, un gouffre s'était creusé entre M. McPherson et lui.
Petit à petit, au lycée, Paul avait détourné les yeux plutôt que de le regarder.
Petit à petit, il avait fait comme s'il ne le connaissait plus.
À terme, Anakin avait baissé les bras. Après tout, sa vie était une longue suite d'abandon.