« Tu as déjà écris tes vœux de mariage ma chérie ? » Anthéa lève brièvement les yeux de son livre pour observer sa mère toujours aussi élégamment vêtue, entrain de s’occuper d’un bouquet de fleur déposé sur le centre de la table. « Je le ferais… » se contenta-t-elle de répondre, reportant son attention à son bouquin, priant pour que sa mère se préoccupe d’autre chose. Mais Anthéa a beau être rêveuse dans l’âme, d’avance, elle savait que s’était perdu, et qu’elle venait d’amorcer une bombe. Probablement une bombe qui dévasterait le monde, mais une bombe qui ferait son petit effet. « Ton mariage est dans deux semaines ma chérie. Est-ce que tu es retourné faire les derniers essais de ta robe ? » Deux semaines. Un mal de bide s’empara d’elle. Du stress. Un peu, mais surtout de doute. Il y a pas de temps encore, elle voyait en Eddy l’homme de sa vie, le prince dont toutes les filles rêvaient, et aujourd’hui… Elle s’en fichait totalement de savoir si sa robe allait lui aller à la perfection, et si ses vœux de mariage seraient à la hauteur pour la bonne et simple raison, qu’elle n’avait plus très envie de sa marier. Anthéa s’était mise à fuir en toute discrétion son futur époux, prétextant devoir organiser le mariage en compagnie de sa mère et ses sœurs. Et quant elle se retrouvait dans la demeure familiale, censée organiser son mariage comme elle l’avait dit à son fiancé, elle prétextait avoir quelques révisions à faire pour ses études de médecine. Mariage, elle avait toujours rêvait d’un beau mariage, mais voilà qu’elle doutait du mari, incapable de faire un choix, incapable de parler de ce qu’elle éprouvait et surtout de ce qu’elle avait vécu. « Ma chérie.. » Elle lève les yeux et sa mère, se retrouve plantait à ses côtés, sa main se portant à ses joues, caressant sa peau et replaçant une mèche blonde de ses cheveux. « J’irais avec Alizée. » répondit-elle pour contenter sur le moment sa mère. Refermant son livre la jeune blonde se leva et quitta la pièce, se dirigeant vers l’étage, à la recherche de sa sœur. La plus jeune de ses sœurs se faisaient un plaisir d’organiser ce mariage, d’ailleurs Anthéa était tellement désintéressée ces derniers temps, qu’elle lui avait laissé carte blanche pour de nombreuses choses. Elle avait l’impression que le mot « mariage » résonnait dans la tête de tout le monde… Sauf la sienne.
Elle n’avait parlé de Sven à personne, même pas à Alizée ou Andréa et encore moins à Eddy. Il était son secret. Et elle avait cette nette impression que plus elle gardait tout ça secret, plus la situation devenait compliqué. Pourtant, dans sa vie rien n’avait été aussi compliqué. Anthéa avait toujours était la petite fille quasi modèle, pas trop rebelle, obtenant de bonnes notes. Aînée d’un trio de fille, elle a toujours veillé à donner le bon exemple à ses deux petites sœurs, se battant contre l’injustice, se permettant de croire en un monde meilleur, tout en gardant le sourire. Et aujourd’hui, elle doutait de tout. Incapable de savoir si elle pouvait faire confiance à ses deux petites sœurs, incapable de savoir quel choix serait le bon. Le fait est que ce que Sven avait fait et ce qu’elle ressentait pour lui à cet instant précis n’était en rien comparable avec tout ce qu’Eddy avait pu lui apporter en plus de cinq années de relation. Théa n’était plus sur de rien, à part peut-être d’une chose : si ce soir elle, s’était un type comme Eddy et non Sven qui était passé par là, à l’heure qu’il est, elle serait probablement souillé plus que jamais et peut-être laisser pour morte dans une rue sombre de la Rosehaie.


Sven lui avait sauvé la vie, et elle ne pouvait s’empêcher de voir l’histoire comme on la conterait à des enfants. La demoiselle en danger, et le charmant jeune homme qui vient la sauver. Si ce n’est, que Sven n’est pas si charmant que ça. Il n’a rien du prince qu’on imagine… Et pourtant, voilà qu’elle est prête à abandonner le fiancé de ses rêves pour lui. Mais elle ne veut pas faire de mal à Eddy, elle ne veut pas avoir ce rôle. Alors… Elle laisse le temps filer, le jour du mariage se rapprochant à grands pas, et ses sentiments pour Sven évoluant de jour en jour. Mais elle l’a cherché, elle l’a voulu. Leur histoire aurait très bien pu se limiter à celle du parfait inconnu qui vient en aide à la demoiselle en détresse sur le point de se faire violer avant de disparaitre sans laisser de trace.  Mais ça ne lui suffisait pas, Anthéa voulait le revoir, elle voulait le retrouver et ne serait-ce que lui dire un petit merci.
S’allongeant sur le lit d’Alizée, Anthéa ferma les yeux de longues secondes avant de les rouvrir et de contempler le plafond bien trop blanc à son gout. « Il faut que tu m’accompagne faire les derniers essais pour ma robe.. » marmonna-t-elle. N’importe qu’elle future mariée aurait été enjouer et exciter à cette idée, pas elle, ou du moins… Plus maintenant. « Je comprends, tu attends ce mariage depuis tellement longtemps… Eddy et toi vous formez le plus beau couple au monde, et pourtant, j’ai l’impression que depuis quelques temps, tu t’en fiche complètement de ce mariage. » Théa lève son bras en l’air, observe le bout de son doigt avant de laisser retomber mollement le tout sur le matelas. « Tu m’écoutes quant je te parle ? Merde tu vas te marier Théa on dirait que t’en a plus rien à foutre ! » Elle a raison, elle a raison. Mais pourquoi est-ce que ça semble si terrible de l’avouer ? Elle se redresse faisant face à Liz assise au bout du lit, entrain de se refaire les ongles. « Je… » L’envie de tout raconter à sa petite sœur est tentante. Elle pourrait lui parler de tout, de sa petite escapade à la Rosehaie, du viol, de son sauveur, et des soirs qu’elle a passé à la Rosehaie, morte de touille de retomber sur son agresseur mais  priant pour retrouver son sauveur. Elle pourrait lui raconter qu’elle a fini par le retrouver, blesser, par le soigner, et par… Par l’apprécier bien plus qu’elle ne le devrait. Elle pourrait lui dire qu’Eddy a beau être riche, aimable et soucieux d’elle, canon et doué au lit, ce n’est plus lui qu’elle voit quant elle ferme les yeux. Elle pourrait. « Je vais aller faire un tour à l’hôpital. » lança-t-elle quittant subitement la chambre de sa sœur.
Heureusement que l’hôpital existe. Le seul endroit un minimum neutre. Le seul endroit où il n’est pas question de robe blanche, de menus, de vœux. Le seul endroit où je peux me permettre de penser à autre chose, ou de penser librement à celui auquel je ne devrais pas penser tout en mettant de côté celui vers lequel mes pensées devraient se tourner.
Le seul endroit ou des gamins condamnés à rester dans un lit garde le sourire, et vous le redonne.