Les cheveux lâchés, les bras croisés sur la poitrine, Aëlys avait froid. Il pleuvait et elle n'avait rien prévu contre les intempéries. Par conséquent elle était trempée, elle grelottait même. Elle s'était abritée sous le porche d'un vieil immeuble croulant, à l'abri de la pluie, pour reprendre ses repères et pour tenter tant bien que mal de retrouver le chemin pour sortir de ce curieux et sinistre labyrinthe qu'était les ruelles sombres de la Rosehaie. Pourtant la journée avait plutôt bien commencé...

N'ayant pas à se rendre au cabinet dans lequel elle effectuait son stage de fin de cycle, la jeune fille devenue femme avait choisit de visiter cette nouvelle ville dont, il fallait bien le dire, elle ne connaissait pas grand chose si ce n’est le quartier Leaf, là où elle résidait. Le ciel était dégagé et le soleil brillait de mille feux. La demoiselle enfila alors une robe jaune canari et de petites sandales assorties. Sa tenue était parfaitement estivale et absolument pas prévue pour affronter les aléas du temps. Au bout de trois heures de visite, Aëlys s'adossa à une barrière pour faire une petite pause. Elle avait les pieds tout endoloris et aucune idée de la direction qu'elle devait prendre pour rentrer. Elle aperçut alors une silhouette au loin. Elle héla la personne en question qui sembla s'enfuir vers la cité. Sachant pertinemment qu'il s'agissait de sa seule chance de retrouver son chemin, la jeune Haskell qui n'a absolument aucun sens de l'orientation passa outre la barrière qui faisait barrage. Elle fut rapidement distancée et perdue de nouveau. Il était près de cinq heures de l'après-midi et la jeune femme n'avait pas l'intention de s'éterniser dans le coin. C'est à ce moment là que l'orage éclata. Il arriva d'un coup, sans prévenir. Un orage d'été comme tant d'autres.

Toujours sous son porche, toujours grelottante, la jeune femme remarqua à sa droite une silhouette qui longeait les murs pour passer à travers les gouttes. Prenant son courage à deux mains, Aëlys tenta de rejoindre la-dite personne, alors que l'averse se calmait progressivement. A deux mètres de lui, car il s’agissait d'un homme, la jeune femme glissa malencontreusement dans une flaque d'eau et tomba la tête la première. Déjà, elle sentait le goudron humide se rapprocher à une vitesse folle. Rouge de honte, Aëlys se redressa en tentant de dissimuler avec beaucoup de difficulté le feu qui lui était monté aux joues. Elle se sentait mal, très mal. Qu'allait-il penser d'elle alors qu'il ne la connaissait même pas. Si cela se trouve il ne voudra même pas lui indiquer le bon chemin voir pire il allait lui indiquer le mauvais pour qu'elle se perde encore plus. La demoiselle recula d'un pas hésitant et fébrile. Elle s’arracha à ses pensées pour le moins angoissantes et sans relever les yeux elle s'excusa du mieux qu'elle put pour le dérangement qu'elle avait put lui causer. Elle lui demanda par la suite comment elle devait s'y prendre pour sortir de la Rosehaie et rejoindre le centre de la ville. A la fin de la phrase, étant parvenue à retrouver le visage neutre et sans sentiment qui était le sien depuis de nombreuses années maintenant, la jeune britannique releva la tête pour regarder son interlocuteur en face. Après tout, il n'était guère poli et courtois de s'adresser à quelqu'un sans le regarder et encore moins lorsque c'était pour demander un service. A ce moment là, Aëlys eut un mouvement de recul, ses yeux s'élargirent, elle porta sa main à sa bouche et sentit tout son corps se mettre à trembler. Non. Impossible ! Cela ne pouvait pas être lui. Elle n'avait qu'une chance sur plus de sept milliards de tomber sur lui mais il fallait que ce soit lui. Il n'y avait aucun doute possible . Shawn. Les lettres de son prénom s’affichaient partout dans sa tête en lettres clignotantes et lumineuses comme pour annoncer un danger imminent. Tout un tas de souvenirs, de sentiments d'envies, d'émotions, tout remontait à la surface. Une simple rencontre allait briser les diverses barrières qu'elle avait mis tant de temps à construire. Elle n'avait pas bougé d'un micromètre comme si le temps s'était arrêté au moment même où elle avait croisé son regard. Elle ferma les yeux une fraction de seconde qui lui parut durer une éternité et reprit une attitude aussi normale que possible. Elle avala alors un peu de salive et déglutit péniblement. Elle ne put cependant s’empêcher de le dévisager le plus discrètement possible de la tête aux pieds. Mais bon, essayez d'être discret après ça tout en dévisageant une personne dans son intégralité. Il n'avait pas changé, toujours le même regard. Il semblait malgré tout un peu fatigué, les traits tirés.

Mais lui ne semblait pas l'avoir reconnue. Alors la surprise fit place au doute. Elle ne pouvait décemment pas lui demander s'il était bien Shawn, le Shawn, son Shawn, l'homme qui l'avait kidnappé et lui faisait peur, l'homme qui la fascinait. Non. Elle ne pouvait décemment pas lui demander cela. Cependant, cet homme avait une véritable attraction sur elle tout comme Shawn, et puis ses yeux étaient d'un vert identique à celui du souvenir d'Aëlys. Tout indiquait qu'il s'agissait de lui, pourtant … Elle prit la décision de ne quitter cet homme que lorsqu'elle aurait la confirmation de son identité. Quitte à jouer avec le feu, autant y aller jusqu'au bout même si cela implique de se brûler.  

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Alors que le mystérieux inconnu lui indiquait comment sortir de ce dédale, Aëlys avait bien d'autres choses en tête et ne l'écoutait donc que d'une oreille distraite. Il était beau. Très beau. Trop beau. Et sexy. Et attirant. Et … STOP ! Elle venait de se surprendre à faire une liste qu'elle ne voulait surtout pas faire. Elle continua cependant à le contempler, perdue sur son petit nuage, entre rêve et réalité. Même les frissons qui la parcouraient jusqu'à présent ne la sortirent de sa contemplation. C'était la deuxième fois en moins de cinq minutes. Allez ma vieille ressaisis toi ! Elle commençait à avoir froid, vraiment et terriblement froid elle qui n'était vêtue que d'une simple robe d'été canari. Ses dents claquaient et ses jolies lèvres roses commençait à devenir d'un violet assez particulier. Dans un effort qui lui sembla surhumain, Aëlys leva les yeux et les planta dans ceux de son interlocuteur avec une assurance qu'elle ne se connaissait pas.

« Si si, pardon ! Excusez-moi je suis un peu distraite en ce moment. » Elle ajouta un petit sourire à son attention. « Donc si je résume je continue tout droit dos aux tours puis je remonte jusqu'à ce que je vois les maisons des riches habitants de « cette » bourgade ». Les yeux perdus dans le vague elle fit un signe de tête dans la direction que lui semblait être celle de Rose Hip. Elle n'aurait jamais dû rester à Rose Hip. C'était vraiment une mauvaise idée, une très mauvaise idée. Elle n'avait vraiment rien à faire ici. Elle voulait désormais construire une vie normale, finir ses années de psychanalyse, rencontrer un garçon, un beau garçon dont elle tomberait amoureuse, éperdument amoureuse, qui l’appellerait « jolie fille » a tout bout de champs pour la taquiner. Ils se marieraient, auraient peut-être des enfants, deux ou trois mais pas plus, une fille et un garçon. Ils vivraient heureux, sans soucis ni problème, dans une maison qu'ils auraient au préalable achetée. C'était une vie rêvée. Une vie parfaite comme on la lui avait décrite de si nombreuse fois. La vie qu'on attendait qu'elle mène. Elle soupira alors, la tête lourde. Ce n'était pourtant pas la réalité, et elle le savait. Personne ne vivait sans problème et sans souffrance. C'était tout bonnement impossible. Mais tout ceci n'était pas le plus important, du moins pas pour le moment. Il faudrait qu'elle y pense un jour ou l'autre, mais plus tard. Le voile qui avait alors couvert ses yeux devenus brumeux se dissipa de nouveau. Il doit me trouver sacrément bizarre avec toutes mes absences. Dire que je n'en avais pas eu depuis des années. Depuis que je me suis efforcée de ne plus penser à lui. « Vous semblez bien connaître le quartier … » Dit-elle à voix haute pour elle même. Son raisonnement été logique. Il connaissait le quartier donc il vivait ici depuis longtemps, donc il ne pouvait pas venir à l'instant de sortir de prison, donc ça ne pouvait pas être Shawn. Fin de la discussion. Serrant ses bras sur sa poitrine et tentant de se réchauffer, elle le remercia de nouveau, ne se souvenant pas si elle l'avait déjà remercier une fois ou pas.

« Dites, vous ne savez pas où je pourrez trouver dans le coin un endroit pour me réchauffer ? Un café ou un salon de thé … Je ne sais pas s'il y en a ici, je suis pas vraiment du coin mais ça ne m'a pas vraiment l'air d'être le style de la maison. » C'était la seule chose qui lui avait traversé l'esprit pour rester en sa compagnie, sans que cela ne paraisse trop louche bien entendu. Elle ne voulait pas lui demander de l'accompagnais, ne voulant pas se montrer trop intrusive, surtout s'il s’avérait qu'il ne s'agissait pas de Shawn. Bonjour, excusez-moi de vous avoir importuné je croyais que vous étiez le garçon qui m'a kidnappé lorsque j'étais petite et dont je suis malgré moi amoureuse. Non ça ne le faisait vraiment vraiment pas. Et puis, elle avait particulièrement besoin de se réchauffer et de se sécher, car désormais c'est son corps tout entier qui grelottait.  

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