jeux d'enfants

Lui, il court. A vive allure, toujours plus loin. Courir, ça lui remet l'esprit en place quand le monde va trop vite. Simplement sentir le vent contre ses joues et ses cheveux, l'asphalte qui défile sous ses yeux et l'électricité qui parcoure son corps. Ça lui plait d'être coupé du monde quelques instants. La sueur qui glisse dans son dos ne le dérange même pas, s'arrêtant finalement devant les portes de leur villa, les aboiements de l'animal l'accueillant comme à son habitude. Un soupir, un mouvement de pied pour renvoyer le chien à l'autre bout de la pièce et le voilà enfin sous la douche. Toujours chaude, beaucoup trop chaude. La buée envahit déjà la pièce. Il pose sa tête contre le mur, son esprit tournant à 100 à l'heure. Elle l'évite et ça l'angoisse, ça l'énerve. La voir lui tourner le dos et fuir. On pourrait presque croire qu'elle cherche à l'oublier, quand bien même ils savent que c'est impossible. Gadreel grimace et finit par quitter la douche réconfortante pour enfiler des vêtements propres, signes de sa sortie imminente. La colère glisse dans ses veines, ses mains tremblants d'un manque incertain. Se défouler, il en a encore besoin mais de quelle façon ? Pauvre démence qu'il supporte en sa présence, ses sens ancrés dans ses yeux verts qui hantent ses rêves et ses cauchemars. Elyanna aura raison de lui, comme elle l'a toujours été, sans en avoir le moindre doute. La voir au bras de cet homme, souriante, lui donne la nausée, des pulsions qu'il n'a ressenti que pour Uriel lui lacérant les côtes. Un moment, le brun se trouve devant sa villa et l'autre, il est devant l'Elyseum, accoudé au bar. Clignant plusieurs fois des yeux, sa main droite vient masser lentement son crane, un mal de tête lancinant se faisant son chemin. Le temps qui passe n'a pas d'action sur lui et c'est ainsi qu'il voit le soleil achever sa course dans le ciel pour laisser place à la lune. Son téléphone à la main, Gadreel sélectionne le numéro, son numéro. La seule vers qui son coeur trouve un peu du repos, sous ses regards chocolats. Maxine. Son prénom réchauffe légèrement son coeur. Sa meilleur amie et son unique confidente. Celle qui sait tout -ou presque- de lui, ignorant le véritable malaise qui le ronge. Sa simple présence suffit à lui redonner le sourire. Écrivant rapidement son message, il attend patiemment sa venue à l'Elyseum. "Max', t'es libre ? J'suis à l'Elyseum, j'ai besoin d'un verre, ça te tente ?"

Il aperçoit sa silhouette avant même qu'elle ne fasse son entrée. Le brun ne la connait que trop bien, cette femme aux allures de princesse égarée qui l'a accueilli des années auparavant. Il se glisse dans la foule et s'empare de sa main, un contact qui suffit à réduire ce mal de tête inévitable. Gadreel lui sourit avant de la serrer dans ses bras, évitant de la broyer dans une étreinte trop forcé. Bon sang, si tu savais comme ça me fait du bien de te voir. J'te dérange pas au moins ? Desserrant leur étreinte, il la guide vers sa table, faisant un signe au serveur de leur apporter ce qu'ils ont l'habitude de boire. Le brun s'installe face à elle, lâchant enfin sa main. Il est mauvais, "bad to the bone" comme il est coutume de le dire. Avec elle, il a tendance à aller trop loin dans leur jeu. Un jeu ridicule, enfantin. Et il a terriblement envie de jouer.J'ai une proposition à te faire. Tu as confiance en moi ? Ses simples mots scellant le deal, le jeune homme attend, confiant, un sourcil soulevé et un sourire amusé aux lèvres.

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Allongée sur le lit, bras tendus, jambe gauche posée sur la jambe droite, pieds nus, je fixais le plafond. J'étais seule dans l'appartement, comme souvent en fait. Sven partait s'occuper de son business - et en profitait sûrement pour se taper une fille ou deux, loin de sa femme - Shawn s'éclipsait toujours je ne savais où, et Evanna ne supportait pas de rester seule avec moi, alors une de nous deux partait. Aujourd'hui, c'était elle qui était partie, et moi qui restait, complètement seule, allongée sur ce lit. Notre lit, celui de Sven et de moi. C'est alors que j'entendis mon téléphone émettre la sonnerie caractéristique qui annonçait que j'avais reçu un message.

Je restais encore étendue quelques secondes, avant de me décider à attraper mon téléphone, perdu dans les méandres de mon sac à main, jeté sur le sol. Une petite enveloppe clignotait, accompagnée d'un nom. Gadreel.

Un sourire illumina immédiatement mon visage. Bien sûr que ça me tentait. Voir mon meilleur ami, le seul à qui je confiais réellement tout, que j'en ai envie ou pas, ne pouvait que me faire du bien. Je quittais immédiatement l'appartement et grimpait de justesse dans le bus qui allait m'emmener dans le nouveau quartier très "New technology" et j'y fut en quelques minutes.

L'Elyseum était un bar qui attirait pas mal de jeunes - entre l'adolescence et la vie d'adulte - et l'alcool y coulait à flot, provoquant de nombreuses bagarres. Je poussais la porte, et fut immédiatement assailli par le bruit - musique, conversations - et par l'odeur de fête qui y régnait. Je cherchais Gadreel des yeux, mais au milieu de tous ces gens, j'allais sûrement galérer un peu. J'étais entrain de chercher mon téléphone quand une main attrapa la mienne. Je reconnu immédiatement Gadreel, et répondit avec joie avec son étreinte, qui me fit un bien fou. « Si tu savais le bien que ça me fait à moi aussi. Non, tu me dérange jamais, voyons ! » J'étais désormais tout sourire, contente de pouvoir passer un peu de temps avec mon meilleur ami. Il me guida vers sa table, et nous commanda nos habituelles boissons, ma main toujours dans celle de Gadreel. Contact qui m'apaise et à le don de me rendre heureuse.

Les verres arrivèrent au moment ou Gadreel me fit une proposition, assez habituelle entre nous. « Tu attaques déjà ? » Je lui fit un petit sourire en coin, prête à jouer, bien sûr. Cela allait souvent loin, parfois presque trop, mais qu'importe. On avait besoin de ça, je crois. « Je te fais confiance. Toujours. » Cela l'avait déjà menée dans des situations délicates, mais elle n'avait jamais perdu sa confiance en lui.

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Concrètement, Gadreel n'a jamais été un enfant gentil, quand bien même ses frères cherchaient à le pousser à aller vers les autres; Enfermé dans une bulle paradisiaque, il vivait, flottait à travers ses gens, ses yeux fixés sur l'horizon sans faire attention à ce qui l'entourait. Lui, il vivait pour lui et ses passions, pour jouer avec ses trouvailles que seule la nature pouvait lui apporter. Qui aurait-pu penser qu'une simple jeune fille réussisse à lui faire détourner la tête, tout ça pour le faire rire ? Qui aurait pu penser que des années durant ils se seraient vu et appréciés, partageant plus que ce que Gadreel se pensait capable. Une personne qui lui ressemble à outrance, avec qui le jeune homme n'a nullement besoin de se cacher. Ou presque. Maxine, elle était là quand, de rage, il finissait par quitter sa maison et trainer dans la Rosehaie. Elle était là quand il ne pouvait voir Elyanna au bras d'Uriel, elle comprenait tout, toujours. Si bien qu'il a fini par croire en elle un peu. Puis de plus en plus. Pour lui, il lui est difficile de croire en une personne, de lui faire confiance. Mais c'était une évidence, ils étaient comme deux âmes reliés. Avec le temps et même à Paris, il n'a pu la faire disparaître de sa mémoire, les souvenirs de ses soirées parisiennes à ses côtés gisant dans son esprit comme une vieille douceur que l'on aurait oublié. Avec elle, c'était simple, limpide. Il en voulait toujours plus mais avec Max', il apprenait à se contrôler, à limiter sa folie qui dort en lui. Un contrôle que le brun perd encore trop souvent, même en sa présence.

L'avoir dans ses bras lui fait un bien fou, comme si on lui enlevait soudain ce poids qu'il a sur les épaules depuis la mort d'Uriel. Simplement la voir, la toucher pour lui redonner un peu de paix pour continuer. Gadreel sourit à ses paroles, la réciproque n'ayant pas besoin d'être formulé. Il a tendance à ne jamais exprimer son affection autre que par des étreintes ou des mains qui s'accrochent, rien de plus. Dire "je t'aime" ou "tu comptes pour moi" ne fait pas partie de son vocabulaire. Mais elle sait. Comme toujours. Ils s'approchent de leur table, des idées s'accrochent dans son esprit. Le retour d'un jeu bête et vieux comme le monde. Un jeu qu'ils pratiquent depuis des années, depuis leur enfance. Le jeune homme soulève un sourcil face à sa réponse, un sourire en coin. Pourquoi attendre alors que la soirée ne fait que commencer ? Sans aucun doute, il aurait mieux fait de trouver une autre personne pour ses défis sans queue ni tête. La jeter dans la gueule du loup, il n'en a aucun scrupule, jusqu'à la dernière minute. Comme si le brun en avait besoin de voir quelqu'un d'autre se mettre en danger, une personne auquel il tient énormément, avant de la sortir de là. Comme une sorte de héros. Une envie d'être demandé et voulu. C'est néfaste mais bon sang, ça lui plait. Très bien, alors, je me suis dit qu'on pourrait trouver une personne quelconque dans le bar et le tourmenter. Que tu le tourmentes, à ta sauce. Qu'on voit jusqu'où il pourrait aller... Pourquoi pas lui ? Gadreel aurait pu choisir n'importe qui mais c'est un homme de leur âge, accoudé au bar, le regard vaseux comme s'il avait déjà trop bu. Il rigole devant l'état du jeune homme- il est pourtant encore bien tôt- et retourne son regard amusé vers sa meilleure amie. Alors, deal ?

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D'aussi loin que me je me souvienne, j'avais toujours connu Gadreel. D'abord de nom, puis un peu plus intimement ensuite. On avait commencé à se parler, à sortir à la Rosehaie tous les deux, à se confier. Petit à petit j'avais niché toute la confiance que j'avais en ce garçon un peu plus jeune que moi. C'est fou comme une amitié peu se créer, si lentement que l'on ne s'en rend pas compte, puis s'imposer comme une évidence. Pour moi, cette amitié avait révélée toute son ampleur lorsqu'il avait du partir en France. Je l'aimais déjà avant, de toutes mes forces, mais je n'en prenais encore guère conscience. Ou alors, je trouvais ça normal. Mais j'avais vite compris à quel point sa présence m'était précieuse quand il avait du partir en France. Heureusement, ils avaient survécus à cela, renforçant même leur confiance et leur amitié. Les gens ne comprenaient pas toujours qu'une fille et un garçon puissent être liés à l'extrême sans amour. Je n'y croyais peut-être pas non plus, avant Gadreel. On était liés. C'était évident. Un simple contact et nous nous comprenions. Un simple regard et nous savions ce que l'autre pensait. Un simple mot, et l'autre partait au bout du monde vous chercher des framboises. J'aurais tout fait pour lui, il aurait tout fait pour moi. Et ces petits jeux étaient sûrement une preuve de notre amitié. C'était étrange comment cela s'était installé. "Cap, pas cap". Puis de plus en plus souvent, de plus en plus loin. Jusqu'à ce que nous ne puissions plus nous en passer. C'était une preuve de confiance, que je ne saurais pas expliquer avec des mots clairs. Je savais juste que, quelque soit le défi, celui qui le lançait serait toujours là pour retenir l'autre si jamais il devait tomber dans le gouffre. C'était plus souvent moi qui avait un pied au-dessus du précipice, car je m'arrêtais bien avant souvent Gadreel. Mais je n'avais jamais eu envie de m'arrêter avant. J'avais besoin de tester la confiance que j'avais en Gadreel, pour me prouver à chaque fois que notre relation n'était pas simplement une illusion. Pourtant, ça pouvait souvent tourner mal.

" Nous n'avons jamais été très patients. " J'avalais une gorgée de ma boisson, savourant les différents goûts qui se battaient en duel sur mes papilles. J'avais également envie de commencer maintenant. L'adrénaline que je ressentais dans ces moments là était la plus précieuse des drogues. Je me retournais discrètement pour voir l'homme qu'il me désignait. Il était clairement déjà bourré - ce qui rendrait le jeu sûrement très marrant, mais également très dangereux. J'avais l'habitude des hommes bourrés, au bar où je dansais il y en avait tout le temps. Et son regard ne trompait pas. " Ça me va. " Je finissais mon verre d'une traite, histoire de ne pas regretter de ne pas avoir ma boisson. " Deal. " Je me levais, attrapant ma pochette, et fit un clin d'oeil à Gadreel. " A plus ! " Je pris ma démarche la plus aguicheuse, me dirigeant vers notre victime. Il me vit, et je reconnu la lueur dans ses yeux. Je m'installais sur le tabouret à ses côtés. " Un petit verre pour une pauvre jeune fille ? "

© EKKINOX