You're a mess, you're a loser [Hydrawn]

EVERYTHING ABOUT ME & MY LIFE · 17/06/2014

Because you're a mess

feat Hydra O. Skya

La Rosehaie était exactement comme on pouvait l'imaginer. Sombre comme un ravin, glaciale comme une crevasse, ce n'était pas étonnant que tant de personnes se perdent en son gouffre. Chaque sourire était soit malsain, soit carnassier, soit les deux, en tous les cas Shawn s'y sentait bien. On faisait des montagnes du quartier mais il avait connu des endroits similaires à Londres, considérant qu'en plus il était à moitié à la rue pendant cette période. Aujourd'hui il avait au moins un appartement puisqu'il avait rejoint son ancien colocataire de cellule, Sven, qui avait bien repris du poil de la bête après sa sortie. Shawn, quant à lui, se sentait dans une mauvaise pente. La tentation de recommencer ses délits était grande mais il savait que c'était stupide, surtout durant sa période de probation. Il essayait d'éviter de rester à proximité de Rose Hip de peur d'agir sur un coup de tête, bien qu'il ait appris à calmer son impulsivité depuis un moment. Alors en souvenir des alcools immondes de contrebande, l'anglais avait décidé de se rendre au supermarché du coin, miteux comme pas deux, pour trouver la bouteille la plus horrible des rayons et la descendre avec le russe. Poings enfoncés dans les poches de sa veste en cuir, à première vue on aurait pu penser que Shawn ne faisait pas partie du paysage typique de la Rosehaie : il était habillé correctement, n'empestait ni la marijuana ni le whisky, et même si ses contacts avec les autres étaient limités, il n'était ni sauvage ni rude. Il balaya du regard le rayon, ne prêtant guère attention aux personnes l'entourant : il était bien placé pour savoir qu'un regard de travers suffisait parfois à déclencher une bagarre. Le Harper avisa une bouteille d'eau de vie de prune, qui semblait honorablement alcoolisée et jeta son dévolu dessus. L'idée de partir avec en courant était tout à fait envisageable, le caissier était de toute manière bien trop imbibé pour se rendre compte de quoi que ce soit, mais la satisfaction tirée à braquer un magasin miteux était limite négative, alors il se dirigea vers le type en question.

L'avantage d'avoir été un foutu pickpocket pendant des années, c'est qu'on apprend à les reconnaître. Au début, en toute honnêteté, il ne l'avait même pas remarquée, mais il avait rapidement reconnu cette manière d'attendre sans le montrer, ce faux intérêt porté à l'environnement, il en avait usé et abusé durant toute son adolescence. Quant à l'idée de se faire détrousser par une gamine.. elle était hors de propos. Alors Shawn la laissa s'approcher tandis qu'il rejoignait la caisse. Il n'y avait qu'un pauvre ivrogne devant lui, ce qui signifiait que l'adolescente n'aurait pas des heures pour se décider à agir ; sagement, il attendait son tour. Il attendait de sentir le moindre mouvement sur ses vêtements, le moindre détail. C'était presque aussi intéressant que commettre l'acte à vrai dire, le subir. L'ampoule d'un néon montra son désaccord et clignota frénétiquement, de quoi détourner le regard de tout le monde durant un quart de seconde. C'est à ce moment qu'il sentit la main s'enhardir et viser le porte-feuille logé dans sa veste en cuir, il le savait car c'était typiquement le genre d'instants dont il avait toujours profité. Il fit rapidement volte-face, emprisonnant le maigre poignet de la voleuse avant qu'elle ne puisse esquisser un mouvement de recul, l'observant une fois de haut en bas. "Bien essayé, kiddo." D'un coup d'oeil - et car il avait cette caractéristique de définir les gens en une fois et de ne plus changer d'avis par la suite, quand bien même son avis était faux - il devina que ce n'était pas une gosse de riche à la recherche du grand frisson. Le grand frisson elle le côtoyait tous les jours, ses yeux étaient noirs de méfiance tandis que les siens brillaient de curiosité. Il resserra involontairement son emprise alors que l'idée qu'une adolescente aussi invisible valait de l'or. "J'vais pas te manger, essaye pas de te tirer d'ici l'anguille." L'anguille n'avait pas confiance et c'était compréhensible, pour ce qu'elle en savait il aurait pu être un foutu violeur ou un sadique. Sans la lâcher ni du regard ni du poignet, il posa un billet sous le nez du caissier et attrapa sa bouteille de sa main libre, sans prendre le temps de vérifier qu'il avait assez de thunes pour ça. "On va discuter dehors ?" Une question qui n'en était pas une, pas de place pour le doute ou le refus.

- moriarten

09/06/2014

vagabonde.

Une heure. Une putain d’heure que tu es accoudée à cette murette, fixant les gens qui viennent et repartent avec un brin de curiosité. Regarde-les. Regarde-les parader, faire semblant d’être heureux, vivre en se posant bien trop de questions. Regarde-les espérer que le bonheur va arriver d’une minute à l’autre, sans même se préoccuper de la vie des autres. L’égoïsme le plus pur, le narcissisme poussé à son extrême. Regarde-les se lamenter peu à peu, dans l’innocence de leur incompréhension, dans leur ignorance. Eux ne seront jamais heureux, c’est certain. Mais toi, que peux-tu dire ? Le seras-tu jamais ? Est-ce au moins possible ? Tant de questions auxquelles t’es incapable de répondre, hein, Hydra. Et ça te tue, ça te désespère. Mais t’y peux rien. Ou pas grand-chose. Alors tu vis au jour le jour comme on te l’a appris, ou comme tu l’as appris seule. Tu survis. T’es comme un tribut lâché dans l’arène des Hunger Games, prête à tout pour sortir de ce merdier. Comme si t’avais le choix. Certains disent qu’on peut choisir d’être la personne que l’on désire, que cela ne dépend que de nous, qu’au final on est celui que l’on choisit d’être. Alors t’as choisi d’être qui, Opium ? Tu feins l’indifférence, avec la nonchalance d’une voleuse. Mais toutes ces personnes sont tes proies, et il suffit juste que tu en choisisses une pour devenir le puma qui lui bondira à la gorge, l’empêchant de respirer, même si toi tu fais plus dans l’invisible. Toi t’es la main qui jaillit de l’ombre, agrippant les portemonnaies, restant aussi innocente que t’en as l’air. Si seulement c’était aussi simple. Il est assez grand, plutôt mignon. Il a des cheveux châtains et une dégaine de vieux gangster. En vérité tu sais pas trop pourquoi tu l’as choisi lui et pas un autre. Sans doute parce que les risques, t’y es habituée maintenant. Et tu guettes. Tu guettes comme le lion le bon moment, celui où tu pourras te jeter comme l’eau silencieuse vers lui et vers sa poche, vers cet argent que tu espères récupérer. Qui te donnera à manger pour la journée, avec un peu de chance.

Mais la chance et toi, ça fait deux.

Voler, c’est comme une seconde nature. Tu sais quand le faire, quand attendre, même si tu fais encore quelques faux-pas qui t’ont valu des courses-poursuites contre les flics ou contre des gens furieux. Alors tu te décides à le suivre, la plus discrète possible, jusqu’à ce qu’il soit en train d’attendre pour payer. Et alors tu lèves les yeux vers la lumière du petit supermarché, patientant jusqu’à ce qu’elle se mette à faiblir l’espace d’un instant. Et tu bondis sur l’occasion. Mais c’était sans compter sur lui. Foutu choix. T’aurais dû en choisir un autre. Il te prend le poignet, te stoppant. Aussitôt tu montres les dents. C’est pas la peine d’essayer de te cacher, il t’a vue. Il t’a vue et t’es prise au piège, tu peux pas courir, pas t’échapper. « Bien essayé, kiddo. » Tu pourrais presque feuler, mais tu te retiens en sentant le regard de la caissière sur toi. Merde, tu penses. Foutue chance. Et puis elle passe à autre chose, et lui desserre la pression sur ton poignet. « J'vais pas te manger, essaye pas de te tirer d'ici l'anguille. » Tu fermes la bouche, serre les dents. Mais tu bouges pas. T’es intriguée. Trop pour vouloir t’en aller. Alors tu restes et tu attends qu’il ait posé l’argent sur la caisse, et puis tu suis ses pas. « On va discuter dehors ? » T’as le choix ? Pas vraiment, sans doute. Tu restes muette, tu t’approches de la murette où t’étais accoudée et tu te remets dans la même position, attendant de voir ce qu’il va te dire. Tes yeux ont déjà repéré des points de sortie, et tes jambes sont prêtes à fuir, comme d’habitude. La méfiance te dirait de partir tout de suite, de laisser tomber ce gars étrange, mais tu restes prostrée, immobile. Silencieuse. Pourtant, tu ne lui fais pas confiance. Et au fond t’as peur. Peur qu’il soit un tueur, ou autre chose, t’as peur qu’il sorte un couteau, t’as peur qu’il te fasse chanter. Mais plus que tout, t’as peur de finir par lui faire confiance, avec ses airs de mec sorti de taule. T’es pas la plus douée pour voler, certes, mais il faut quand même être doué pour t’apercevoir. Et c’est peut-être ça qui t’intrigue le plus chez lui. Cette habitude des crimes, de la prison, de l’illégalité, que tu sens chez lui.

dogdaysareover

EVERYTHING ABOUT ME & MY LIFE · 17/06/2014

Because you're a mess

Ce matin en se réveillant - ou plutôt ce midi - dans l'appartement de Sven dans lequel il logeait temporairement, Shawn n'avait pas imaginé se faire détrousser comme un malpropre au supermarché du coin. Mais l'anguille en avait décidé autrement. Il avait surjoué la scène, évidemment, c'était très théâtral cette manière de l'attraper sur le fait et de lâcher une petite phrase d'accroche, il mentirait s'il disait qu'il n'avait pas apprécié. Le problème restait néanmoins le même : elle venait d'essayer d'attraper son porte-feuille et d'une part ça ne lui plaisait pas d'être considéré comme un pauvre clampin de base que l'on peut voler, d'autre part la gamine avait cet aspect insaisissable dont il avait longtemps été familier. Muette comme une carpe, agile comme une anguille, la gosse avait un lien indéniable avec le monde maritime. Un sourire assez étiré pour dévoiler ses dents greffé sur les lèvres à cette pensée, Shawn avait croisé le regard d'un client apparemment intrigué par le court échange qui avait lieu à la caisse, lui intimant silencieusement de ne pas s'en mêler. Les regards intimidants avaient leur succès ici, souvent précurseurs de la rencontre entre un poing et une mâchoire si aucun ne s'inclinait. Il avait payé sans lâcher sa prise, clairement elle avait pas l'habitude de se faire hameçonner de cette manière, en prouvait son nouveau silence à sa question. Il devait avouer qu'il n'y avait cependant pas de réponse idéale, mais l'idée de ne pas avoir encore entendu le son de sa voix avait son charme : peut-être qu'elle était muette, qu'elle jurait comme un charretier, qu'elle parlait aussi fort qu'un poissonnier, il n'en avait pas la moindre idée. C'était mystérieux et Shawn aimait bien les mystères. A peine la porte du magasin passée, le vent le rappela à la réalité, à savoir qu'il était juste un quasi-trentenaire qui aggrippait une gamine et avait sans doute l'air menaçant. "Ben alors, Harper, on est en taule pacqu'on aimait un peu trop les ptites filles ?" Le souvenir des racontars de taulards le heurta de plein fouet, quand finalement un détenu avait su la raison de son emprisonnement le bruit avait couru que Shawn était comme ça. Il avait distribué assez de droites pour éliminer la rumeur mais il ne l'avait jamais oubliée. La rumeur autant qu'Aëlys, car c'était malsain, elle avait seulement quatorze ans et il était bien trop attaché à elle. La voix avait beau raisonner seulement dans son esprit, ça suffit à faire lâcher l'emprise de Shawn, comme si le poignet de la gamine était tout à coup devenu brûlant il le libéra aussi soudainement qu'il l'avait capturé. Elle en profita pour s'éloigner et reprendre place près de son muret, toujours silencieuse mais cette fois ci immobile. Si elle décidait de partir maintenant, elle aurait sans doute l'avantage de l'effet de surprise, et il avait beau être un homme et disposer d'une force physique plus importante elle était sûrement bien plus rapide. Elle avait l'occasion de le faire mais pourtant restait campée ici. L'anguille était pleine de surprises. A son tour il s'approcha du muret, à distance raisonnable de l'adolescente (ben alors, Harper, les ptites filles c'est plus ton truc ?) - pour ne pas l'effrayer. Pas pour prouver à une quelconque culpabilité intérieure qu'il n'était pas un foutu pédophile, non. "C'était plutôt pas mal comme tentative, là-bas, c'est pas ton premier jet hein ?" ponctuant sa question d'un soufflement de nez sceptique - c'était loin d'être un premier jet, la question était rhétorique - il avait enfoncé de nouveau ses mains dans ses poches, posant la bouteille d'alcool bon marché à ses pieds. "Pas de famille je suppose ?" S'il obtenait un hochement de tête, Shawn s'estimerait déjà heureux. Il pencha légèrement la tête sur le côté en croisant le regard de l'adolescente, il ne savait pas expliquer pourquoi mais il sentait qu'il y avait du potentiel. Une compréhension silencieuse, si elle mettait de côté son indépendance maladive. Pour cela, il allait devoir la mettre en confiance, l'apprivoiser : l'idée n'était pas seulement charitable, le Harper avait déjà imaginé de grands plans pour une âme trouvée dans la rue, des cambriolages à prévoir et des projets ambitieux. Mais chaque chose en son temps. "Moi c'est Shawn. Shawn Harper. Nom de rockstar, si tu veux mon avis. Et toi ? Même si je vais continuer à t'appeler l'anguille, quoiqu'il en soit." Baptisée par de l'eau de vie, in nomine patris et filii et spiritus sancti, amen. Charmant et funeste destin.

- moriarten

09/06/2014

vagabonde.

Tu sens ton poignet qui te brûle, mais tu fermes ta gueule et t’attends. T’as envie de lui cracher qu’il te fait mal, t’as envie de te libérer de son emprise, t’as envie de t’enfuir, de trouver une autre proie avec laquelle t’auras sans doute plus de facilité, t’as envie d’oublier ce qu’il vient de se passer, t’as envie de retrouver les rues mal famées, envie de t’allonger dans une ruelle, de fermer les yeux et de somnoler, parce que ce serait beaucoup plus simple. Mais tu peux pas t’empêcher de te répéter les mêmes mots, tu peux pas t’empêcher de vouloir à tout prix réussir et l’échec te donne la nausée. Rien que penser que tu puisses laisser s’échapper une proie te donne envie de vomir tes tripes. Dans la rue tu as découvert une maison, dans le vol un moyen de survivre. T’es plus rien sans ta discrétion, sans ta main baladeuse, capable de récupérer des porte-monnaie sans attirer l’attention, sans te faire choper par les flics ou te retrouver au commissariat, bien que tu sois habituée à mentir sur ton âge et à donner de faux papiers pour que personne ne découvre qu’en réalité, la gamine que t’es n’a que seize ans. Mais lui, lui il est pas juste intriguant, lui il a aussi ça dans le sang et ça se voit. Accoudée à la murette, tu le regardes faire un pas vers toi, puis deux, le détaillant le plus rapidement possible comme tu le fais quand tu t’apprêtes à voler quelqu’un. Sa bouteille d’alcool à la main, il ressemble de près ou de loin à un ex-taulard. Tu sais les reconnaître, depuis le temps. Il a cette allure nonchalante, cette façon de regarder le monde comme s’il se foutait de tout que tu te surprends à aimer. « C'était plutôt pas mal comme tentative, là-bas, c'est pas ton premier jet hein ? » Tu hausses les épaules, devinant qu’il connaît déjà la réponse. Tu restes la gamine silencieuse encore un peu. Autant de temps que tu le peux. « Pas de famille je suppose ? » Tu penses à tes deux parents qui doivent prendre un bain dans leur piscine remplie de billets, tu penses à tout ce luxe que t’as quitté en venant à la Rosehaie. Aux regrets que tu pourrais avoir mais que t’as pas, parce que toi tu te complais dans cette indépendance que t’as réussi à gagner. Alors tu ne dis rien, tu hausses simplement les épaules.

Tu croises un instant son regard et tu souris. C’est un sourire malicieux, presque carnassier, c’est un truc qui te ressemble, hein ? « Moi c'est Shawn. Shawn Harper. Nom de rockstar, si tu veux mon avis. Et toi ? Même si je vais continuer à t'appeler l'anguille, quoiqu'il en soit. » Tu ricanes doucement, et puis ta bouche se délie au fil des secondes qui passent. Tu te baisses, fais une révérence, crachant presque sur lui intérieurement. Rien de bien méchant, une banalité. Tu te fous de ce que pensent les gens de toi, en réalité. Et avec lui, c’est pareil. « Hydra. » Tu fais une pause, hésitant à lui sortir ton nom, même s’il est différent de celui de ton ancienne vie. « Hydra Skia. » Tu remontes un peu ton top à bretelles qui ne ressemble plus à rien, et ton regard fixe un couple, non loin de là. Mais tu secoues la tête, presque imperceptiblement, et ton attention revient sur Shawn. Shawn… Le nom résonne dans ton esprit. Il n’évoque rien de particulier, de même qu’Harper. Tu sais pas trop si tu préfères Hydra ou l’anguille. En vrai, t’aimes bien l’anguille, ça te définit plutôt bien. Tu baisses les yeux vers ton poignet endolori. Il est devenu rouge, et t’auras sans doute un bleu. Putain de merde, tu penses. Vieux con. Mais tu dis rien, tu ne fais rien, t’attends simplement. Intriguée par ce Shawn Harper.

dogdaysareover

EVERYTHING ABOUT ME & MY LIFE · 17/06/2014

Because you're a loser

Au fil des secondes, Shawn se surprend à observer avec plus d'attention les moindres faits et gestes de la jeune vagabonde. Elle a l'air de lui ressembler, mine de rien, dans ce vol qui relève plus du besoin que du simple shot d'adrénaline. Il était sans doute plus subtil et moins à la rue puisqu'il essayait toujours de squatter ici et là chez des personnes dont il oubliait régulièrement le prénom, mais l'idée était la même. Un mode de vie peu recommandable dans un monde peu recommandé, c'était bien là tout le problème. Puis de l'autre côté.. ça lui était complètement égal de savoir le passé de l'anguille. Déjà, il n'arriverait sans doute jamais à obtenir la moindre information, mais en plus ça ne servait à rien. Peut-être qu'elle avait eu une enfance dorlotée par des parents aimants, mais là maintenant ce n'est pas qui elle est. Alors c'est comme si ça ne comptait pas, comme s'il valait mieux arrêter d'y penser, même ne pas le savoir. Elle crache presque, l'anguille prise dans son filet, mais Shawn ne se laisse pas attendrir par son air farouche et ses yeux noirs non. Il trouve ça plutôt drôle à vrai dire, avec sa nonchalance qu'il tient de son père, il paraît. Sans un mot, il obtient la confirmation dont il n'avait pas besoin, sur le fait que l'adolescente était une habituée des vols. Elle avait sûrement plutôt tendance à tomber sur des porcs imbibés de vin bon marché cependant. Puis ses épaules se hissent légèrement pour retomber aussi sec, confortant l'idée de Shawn que le passé était bien assez derrière eux pour ne pas avoir à y repenser de nouveau. "Moi non plus", confie t-il avec détachement, car il a bien eu le temps de s'y habituer et puis il doit la convaincre de rester, lui faire miroiter leurs points communs
(t'es sur une mauvaise pente Harper)
car c'est comme ça que ça fonctionne. Il sait qu'il ne doit pas faire le con - enfin, pas se faire prendre - sous peine de retourner derrière les barreaux mais Shawn a toujours été du genre impatient. Surtout lorsque des villas gigantesques occupées trois mois par an lui tendent les bras à moins de dix kilomètres de l'endroit où il crèche et qu'il se referait bien une petite fortune, car il n'aime pas trop l'admettre mais il aime l'argent et les modes de vie aisés.

Alors quand finalement un sourire - pas celui digne d'une pub pour dentifrice, mais tout de même - se dessine sur le visage maigre de l'ado, Shawn est plutôt satisfait. Elle s'incline, une révérence, un gros doigt d'honneur planqué sous un geste vieux comme le monde, mais il ne s'en formalise pas. Il rit un peu même car il trouve que c'est plutôt bien trouvé, pour quelqu'un qui vit de ce côté de la barrière. Hydra Skia, fantastique, ça sonne bien et puis ça lui va bien au final. Ca fait écorché en quelques sortes. Il faudra qu'il la présente à Evanna, la pensée lui traverse l'esprit soudainement mais elle n'est pas si stupide au final. A peu de choses près elles ont le même âge, ce même côté rebelle qui n'en a (plus) rien à foutre, et qui plus est des mains agiles. Enfin, s'il arrive à revoir l'anguille après cet incident, ce qui a peu de chances de se produire s'il n'attise pas plus sa curiosité. Si elle disparaît, tant pis, elle doit connaître les rues comme sa poche et elle verra son ombre arriver avant même qu'il mette un pied hors de chez Ström, alors c'est pas la peine de chercher. Harper suit son regard en direction du couple, il ne sait pas trop à quoi elle pense mais c'est bien le moment de l'enrôler non ?

Shawn a envie de prendre un risque. Le couple n'a pas l'air d'être là depuis bien longtemps et ne les a donc pas vus sortir du supermarché ou se jauger mutuellement près du muret. Il adresse un sourire transpirant la confiance à l'anguille. "Puisque j'ai fait foirer ton coup, je vais me rattraper." Le couple marche et alors qu'ils sont à portée de voix, Shawn reprend la parole pour s'adresser à la Skia. "Comment ça, t'as plus de batterie ? On rentre comment nous maintenant ?" Un soupir exagéré, un roulement d'yeux vers le ciel, l'attention du couple captée. Il fait mine de seulement les remarquer et prend un air faussement désolé, les hélant avant qu'ils n'aient le temps de prétendre n'avoir rien vu. "Excusez moi, mademoiselle, monsieur ?" Ils s'arrêtent, échangent un regard, attendent la suite. "Je suis vraiment désolé, ma petite soeur" il montre la Skia du menton "a oublié de recharger son téléphone et il faut vraiment qu'on retrouve la direction de Rose Hip, le quartier ici n'a pas l'air sûr.." il s'approche doucement d'eux, espérant que l'adolescente entre dans son jeu sans rechigner, un air théâtralement crédible sur le visage
(quel bon acteur, Harper, t'as pas perdu la main)
alors que le couple semble convaincu - bien qu'encore méfiant - sur les bonnes intentions de Shawn. Le type les jauge du regard et semble se satisfaire de ça. Shawn et Hydra font donc face au couple, Rose Hip étant localisé derrière les deux qui s'apprêtent à se faire dépouiller. L'ex-taulard avance de manière à se retrouver entre le mec et sa copine, pointe du doigt la direction de Rose Hip de la main droite tandis que sa main gauche rencontre la poche de la veste du mec. Du regard, il montre à Hydra le sac en bandoulière de la femme, qui a fait l'erreur d'acheter un sac sûrement pratique mais dénué de fermeture, offrant une voie royale à un voleur agile. Il parle assez fort, n'hésite pas à les faire répéter, tout en attrapant le porte-feuille du type. La distraction, c'est la clé. Alors qu'il leur a fait confirmer quinze fois que Rose Hip n'était pas si loin que ça, Shawn prend un air reconnaissant. "Merci beaucoup, vraiment, c'est rare de tomber sur des personnes aussi sympathiques. Bonne soirée à vous !" et ils partent, sans savoir qu'ils viennent d'être délestés de leurs biens - du moins si Hydra a suivi le mouvement -. Il les laisse s'éloigner et se tourne vers l'adolescente, agitant victorieusement le porte-feuille. "Alors.. bonne pioche ?" et attend impatiemment de voir le butin.

- moriarten

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